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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

On nous fît une réception des plus brillantes ; gouverneur, plusieurs officiers, les uns Français, les autres Anglais, vinrent nous recevoir, et l’un de ceux qui composaient ce nombreux cortège nous tendit une main qui, quinze jours auparavant, nous avait plongé le poignard dans le sein en larguant la remorque.

Cependant tel est l’effet que produit la vue de malheureux qui viennent d’être miraculeusement sauvés, qu’il n’y eut personne, soit Anglais, soit Français, qui ne versât des larmes d’attendrissement en nous voyant dans l’état déplorable où nous étions réduits. Tous nous parurent vraiment touchés de notre triste position comme de l’intrépidité que nous avions déployée sur notre radeau. Nous ne pûmes cependant retenir notre indignation à la vue de quelques personnages de ce cortège.

Quelques-uns de nous furent accueillis par des négocians français, qui leur prodiguèrent des attentions et des égards infinis. MM. Valentin et Lasalle se distinguèrent par un désintéressement sans égal. Ils suivirent cette impulsions si naturelle qui porte l’homme à assister son semblable, lorsqu’il est témoin de sa détresse extrême. Nous devons dire aussi que ce furent les seuls colons qui vinrent au secours des naufragés du radeau.