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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

minutes il est écorché et coupé en parties que nous faisons griller à la pointe des épées ou des sabres. Chacun dévore son morceau.

« Après ce léger repas, chacun s’étend à terre, et cherche le sommeil. Pour moi, je ne le trouvai pas. Le bruit importun des moustiques, et leurs piqûres cruelles s’y opposèrent, malgré l’extrême besoin que j’en avais.

« Le 12, nous nous remîmes en marche à trois heures du matin. J’étais mal disposé, et pour m’achever, il fallait cheminer sur le sable mouvant de la pointe de Barbarie. Rien, jusques-là, n’avait été plus fatigant : tout le monde se récria ; nos guides maures assurèrent que c’était le plus court de deux lieues. Nous préférâmes retourner sur le rivage, et marcher sur le sable que l’eau de la mer rendait ferme. Ce dernier effort fut presqu’au-dessus de mes forces. Je succombais, et sans mes camarades, je restais sur le sable.

« On voulait absolument gagner le point où le fleuve vient rencontrer les dunes. Là, des embarcations qui remontaient le fleuve devaient venir nous prendre et nous conduire à Saint-Louis. Près d’arriver à ce lieu, nous franchissons les dunes et nous jouissons de la vue de ce fleuve tant désiré.

« Pour surcroît de bonheur, la saison est celle où l’eau du Sénégal est douce. Nous nous désaltérâmes à souhait. On s’arrête enfin ; il n’était que huit heures du matin. Nous n’eûmes d’autre abri, pendant toute la jour-