Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/253

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
249
CHAPITRE XI.

de la péniche cassa par suite d’un violent coup de mer : la péniche vint passer tout près de la goélette ; mais il fut impossible de donner du secours aux malheureux noirs, sous peine de périr tous ensemble. Les hommes des deux navires s’entêtèrent et continuèrent leur route plutôt que de revenir sur leurs pas. Un deuxième coup de mer, encore plus violent que le premier, fit chavirer la péniche ; elle vint passer tout près de la goélette sans que celle-ci put encore recueillir les sopftos. Quelques minutes après, on ne vit plus ni hommes ni péniche ; on crut que tout était perdu ; fort heureusement que ce petit navire était fort léger, et que c’était au commencement du jusant, moment où la mer se retire au large : aussi les infortunés noirs en profitèrent ; ils se mirent tous les huit à cheval sur la quille ; les courans les avaient dérivés à deux lieues environ à l’ouest de la barre. À huit heures du soir ils étaient à une lieue d’un gros navire (la Médée), qui était à l’ancre à une distance respectueuse de la côte. À minuit les courans entraînèrent la péniche près du navire où, au moyen d’un canot qu’on mit en mer, on recueillit les huit naufragés. Le lecteur attendri croit sans doute que les dames Chmahz sont au désespoir de voir périr des hommes qui venaient tout exprès pour leur service ; point du tout, elles font même semblant de ne pas s’apercevoir qu’ils sont disparus. Elles ne laissent pas échapper une seule larme, pas le moindre signe d’attendrissement, rien qui dénote la moindre sensibilité. Ces dames, d’une espèce toute