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CHAPITRE XIII.

Mais si, contre mon attente, il était possible que je me visse un jour abandonné de mon gouvernement, comme nous le fûmes de quelques hommes qui n’ont de français que l’habit ; si la France qui accueillit si souvent et si noblement l’infortune étrangère, pouvait refuser sa commisération et ses secours à ses propres enfans, alors, M. le major, forcé d’aller chercher ailleurs un meilleur sort et une nouvelle patrie, il n’y a nul doute que ce serait celle de mes généreux bienfaiteurs que je choisirais de préférence à toute autre. »

Le major Peddy ne répondit à M. Corréard que par des larmes. L’élan patriotique auquel celui-ci s’était naturellement abandonné, avait trouvé, comme on peut l’imaginer, le cœur du noble Breton en harmonie avec celui de son protégé ; il en éprouvait une satisfaction visible et une émotion qu’il ne cherchait point à dissimuler. Le major embrassa étroitement M. Corréard, en lui faisant ses adieux pour toujours : il semblait que ce digne homme prévoyait sa fin prochaine.

Il ne devait pas en effet résister aux fatigues du voyage qu’il allait entreprendre.

Cette expédition était composée, outre le major, commandant en chef, et le capitaine, commandant en second et chargé des observations astronomiques, d’un jeune médecin, commandant en troisième, du naturaliste Kummer ( Saxon, naturalisé Français), d’un mulâtre servant d’interprète, de trente soldats blancs, presque tous ouvriers, de cent soldats noirs,