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Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/304

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CHAPITRE XIII.

marcher. On s’en aperçut du bord de la Loire, et on expédia aussitôt un grand canot pour aller retirer les passagers de l’ardeur du soleil. Pendant que ce canot venait, M. Corréard s’endormit sur un tas de câbles placés sur le pont du côtre ; mais avant qu’il fût entièrement assoupi, il entendit quelqu’un qui disait : « En voilà un qui n’ira jamais jusqu’en France. » Le canot arriva, après un petit quart-d’heure de route ; tous ceux qui entouraient le malade s’embarquèrent dans le canot, sans que personne eût la générosité de l’éveiller. Ils le laissèrent plongé dans le sommeil et exposé aux rayons du soleil, et il passa cinq heures dans cet état, après le départ de l’embarcation. De sa vie il n’avait autant souffert, si l’on en excepte les treize jours du radeau. Quand, à son réveil, il demanda ce qu’étaient devenus ses compagnons, on lui répondit qu’ils étaient partis, et que pas un d’eux n’avait manifesté l’intention de l’emmener. La brise s’étant élevée, le côtre arriva enfin à bord de la Loire, et là, sur le pont, en présence des matelots, il fit à ceux qui l’avaient abandonné les reproches les plus amers, en leur disant même des choses offensantes. Ces sorties, suites de son exaspération, le firent considérer comme fou, et personne ne se formalisa des dures vérités par lesquelles il venait d’exalter hautement sa juste colère.

La Loire mit à la voile le 1er décembre, et nous arrivâmes en France le 27 du même mois : nous eûmes pendant notre traversée un temps assez beau, à l’excep-