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CHAPITRE XIII.

ce qu’il y a de plus fort, c’est qu’on ne s’est aperçu de cette erreur, qu’après avoir couru les plus grands dangers sous les murs de la ville de Saint-Martin-de-Ré. Une demi-heure avant notre entière conviction, le maître canonnier avait reconnu notre faute, mais les officiers ne voulurent point en convenir, et le traitèrent d’imbécile : il fallut cependant avouer que cet homme avait raison, et appeler un pilote du pays pour venir nous tirer de cet embarras. Alors ou tira le canon d’alarme, et en moins d’une demi-heure, le nouveau pilote fut à bord. Le même soir nous entrâmes en rade de l’île d’Aix. À peine l’ancre fut-elle mouillée, que nous jetâmes à la mer un matelot qui était venu mourir à une demi-lieue de sa maison bâtie sur la rade.

Je dois à la justice de dire que je fus, pendant la traversée, parfaitement soigné par le docteur Bergeron ; mais d’un autre côté, je dois dire aussi que je n’eus jamais l’honneur d’avoir provoqué la moindre marque d’attention de la part de M. Giguel-Destouches, lieutenant commandant la flûte la Loire. Cependant ma position était bien faite pour émouvoir les entrailles de l’homme le plus endurci au malheur. Cet homme n’est frère que de nom du fameux capitaine de vaisseau Destouches, qui a une si belle réputation comme savant, comme habile constructeur de vaisseaux, et comme habile marin, et doué, dit-on, par-dessus tout, de beaucoup de philantropie.

Rendu à Rochefort, M. Corréard se présenta chez