Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/317

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
312
NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

signature triompha de l’injustice, et son passage en Europe cessa d’être retardé. Mais les mêmes manœuvres eurent plus de succès d’un autre côté, et MM. Dupont, Lheureux, Charlot, Jean-Charles et Touche-Lavillette ne purent échapper au piège qui leur fut présenté. Ils étaient attaqués de cette fièvre terrible qui moissonnait les Français avec tant de rapidité, quand ils furent invités, de la part du gouverneur, à signer sa relation. Les uns cédèrent à la crainte qu’ils avaient de déplaire à son excellence ; d’autres conçurent l’espoir d’obtenir par ce moyen sa protection, ce qui n’est pas un petit avantage dans les colonies ; enfin les autres étaient si faibles, qu’ils ne purent pas même prendre connaissance de l’importance de la pièce à laquelle on leur demandait d’attacher leur nom. Ce fut ainsi que nos compagnons furent induits à témoigner contre eux-mêmes, à certifier le


    tée, qui me portait à décrier mon malheureux compagnon d’infortune, et cela, parce que je m’étais figuré que la relation qu’il avait faite de nos malheurs pouvait nous rendre odieux à tous nos parens et amis (*). Telles sont les raisons que je vous ai alléguées à Rochefort, et vous dûtes alors vous apercevoir que je vous parlais avec franchise, puisque je ne vous ai rien caché. Je ne suis pas à présent sans me repentir de n’avoir pas attendu à être mieux instruit pour agir contre quelqu’un qui, par sa fermeté, n’a pas peu contribué à nous sauver la vie.
    GRIFFON-DUBELLAY
    Bourgneuf, le 7 janvier 1818.
    (*) On employa les mêmes moyens auprès de M. Corréard.