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Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/324

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CHAPITRE XIV.

put se reposer. Le lendemain il gagna avec peine Poitiers. Il eut le bonheur de trouver une âme sensible dans M. le maire, qui prit un intérêt touchant à sa triste position. Elle était bien faite en effet pour intéresser, car, quelques minutes après son entrée dans l'hôtel-de-ville, il se trouva mal ; mais les secours les plus charitables lui furent prodigués par une dame respectable, et il revint bientôt de cet évanouissement. Un des commis ne tarda pas à lui donner un billet de logement, lui assurant qu’il l’avait destiné pour une des meilleures maisons de la ville, ce qui était vrai : le pauvre malade est convenu que de sa vie il n’avait reçu de soins plus affectueux que ceux qu’il éprouva chez M. Maury, propriétaire de l’hôtel des Antiquités Romaines. Poitiers fut donc pour lui un lieu de bonheur. On sut bientôt dans la ville qu’un des naufragés du radeau était dans ses murs, et pendant toute la journée, il ne fut question que de ce triste événement. Deux personnages connus par leurs talens et les fonctions éminentes qu'ils ont remplies, MM. Eberard et Desbordes, vinrent au secours de M. Corréard. L’un et l’autre avaient été autrefois exilés, ils connaissaient le malheur et surent compâtir à celui d’un infortuné qui venait d’en éprouver d’extraordinaires. Ils lui offrirent de passer toute la belle saison à leurs maisons de campagne ; mais désirant se rendre promptement à Paris, il refusa des offres généreuses qui lui furent faites, et après s’être reposé trois jours à Poitiers, il en partit par la diligence, et arriva enfin dans la capitale.