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CHAPITRE XV.

l’intérieur, car il avait conçu l’idée de lever le plan de la côte et des îles formées par le Sénégal. Il se trouva bientôt près de Gandiolle, et il s’arrêta quelques instans à la vue d’un énorme baobab, dont la blancheur l’étonna singulièrement : il s’aperçut qu’il était couvert d’une nuée d’oiseaux nommés aigrettes[1]. Il s’avança à travers le village jusqu’au pied de cet arbre, et tira de suite ses deux coups de fusil, comptant bien abattre au moins une vingtaine de ces oiseaux. La curiosité le porta à mesurer l’arbre prodigieux sur lequel ils étaient perchés, et il trouva que sa circonférence était de vingt-huit mètres. Tandis qu’il examinait ce monstrueux végétal, la détonation produite par les deux coups de fusil avait fait sortir de leurs cases un grand nombre de noirs, qui s’avancèrent vers M. Corréard, dans l’espérance sans doute d’en obtenir un peu de poudre, du plomb ou du tabac. Pendant qu’il chargeait son arme, il examinait particulièrement un vieillard dont la figure respectable annonçait la bonté. Sa barbe et ses cheveux étaient blancs et sa taille colossale ; il se nommait Sambadurand. Quand il vit que M. Corréard le regardait avec attention, il s’avança vers lui, et lui demanda s’il était Anglais ? « Non, lui répondit-il, je suis Français. — Quoi ! mon ami, tu es Français ! cela

  1. Les aigrettes ou hérons blancs dont il est ici question, se montrent partout en grandes troupes dans cette partie de l’Afrique, et suivent surtout le bétail, comme les piquebœufs, pour se nourrir des insectes qui s’attachent aux animaux domestiques.