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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

abordé, et qui ne leur eût pas offert un culte public de compassion et d’assistance, eut été déshonorée.

Hé bien ! ils ont revu leur patrie, ils ont reparu au milieu du peuple le plus compâtissant ; et cependant on leur a reproché jusqu’à l’excès de leur malheur dans les écrits semi-officiels ; on les a signalés comme des objets d’horreur et de dégoût ; on leur a fait un crime de l’amertume de leurs plaintes ; on les a privés de leurs emplois : aujourd’hui même ils sont obligés de ranimer des forces brisées par l’excès de la souffrance pour travailler à se créer une existence qui semblait devoir être désormais placée sous la garantie de l’humanité nationale ; tandis que les hommes qui, par leur inexpérience, ont provoqué ce désastre, ou qui, par leur lâcheté ou leur inhumanité, l’ont consommé, investis de nouveaux commandemens, décorés de nouveaux honneurs, ont été apprendre à nos colonies lointaines, à l’univers entier comment la France sait compâtir au malheur, comment elle sait punir la trahison et l’inhumanité.

Ah ! si notre pays était coupable d’un pareil attentat, il faudrait désespérer d’y fonder jamais des institutions généreuses ; car pour les nations, comme pour les individus, le principe de tout ce qui est noble et grand est dans la justice et dans la sainte humanité.

Mais hâtons-nous de le dire ; ce n’est pas le crime de la nation ; c’est celui d’un de ses anciens ministres, M. Dubouchage, dont l’amour-propre s’est trouvé compromis dans ce funeste événement par le choix