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CHAPITRE II.

officier auxiliaire de marine, nommé Richefort, qui sortait des prisons d’Angleterre, où il avait été détenu pendant dix ans. Il n’y avait sans doute pas acquis des connaissances supérieures à celles des officiers du bord, et cette étrange marque d’une préférence que rien ne justifiait, dut avec raison blesser leur amour propre. Depuis Sainte-Croix, nous avions continuellement navigué au sud-sud-ouest. Pendant la cérémonie du tropique, nous doublions le Cap-Barbas, situé par les 19° 8′ de longitude et les 22° 6′ de latitude.

Nous nous trouvions alors pleinement engagés dans le golfe de Saint-Cyprien, dont le fond est parsemé de rochers qui, dans la basse mer, ne permettent pas même aux petits brigantins de passer par-dessus. Ces détails nous ont été confirmés au Sénégal par M. Valentin père, qui est le premier pilote de toutes les marines pour cette partie de la côte d’Afrique, et qui, d’après le récit de ce qui s’était passé, ne concevait pas, nous dit-il, que la frégate ne fut point restée dans ces parages, où les écueils sont si multipliés.

Outre ces écueils, nous avions encore à craindre un calme plein, qui, s’il nous eût pris, aurait été pour nous la cause d’une perte inévitable. En effet, il aurait fallu céder aux courans qui portent à terre avec beaucoup de force ; et nous aurions été brisés sur les rochers de Tête-Noire qui bordent la côte, dont nous n’avons été éloignés que de quatre ou cinq cents mètres, pendant que la plupart de nous se livraient avec sécurité à la cérémonie dont nous venons de parler.