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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

les mêmes marques d’intérêt, les mêmes dédommagemens.

Nous avons été trompés, et ce n’est pas pour nous en plaindre que nos doléances vous sont adressées ; car nous savons que les droits du malheur, les titres que donne à un citoyen le courage et la constance dans des circonstances qui paraissent au-dessus des forces de l’humanité, ne sont écrits dans aucun de nos Codes ; ni dans la Charte.

Nous ne demandons rien pour nous, dans notre intérêt privé. C’est à vous, Messieurs, à vous qui êtes les dépositaires des intérêts moraux non moins que des intérêts matériels de la nation, à voir ce que vous avez à faire dans une pareille occurrence, pour l’honneur national. Vous verrez s’il n’est pas honteux pour notre pays que des étrangers aient seuls soulagé et secouru des malheureux qui se sont vu délaissés et repoussés dans leur propre patrie !

Mais ce qui est pour nous un droit positif, un droit écrit dans la Charte, c’est le droit de demander justice contre ceux qui nous ont lâchement et traîtreusement abandonnés ; contre ceux dont le devoir était de ne penser à leur propre salut que lorsque le dernier homme de l’équipage était en sûreté, et qui, cependant, au mépris de leur serment et de leurs devoirs les plus sacrés, out eu la lâcheté d’abandonner au milieu des flots, sur quelques mauvaises planches, cent cinquante-deux de leurs concitoyens, pour hâter de quelques momens leur propre délivrance ; contre ceux qui ayant