Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/470

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ODE

Et vous, rares débris, sur cette mer immense.
Que le hasard a conservés,
Dans la course qui recommence ;
De périls soyez préservés !
Ranimés la chaleur de votre âme flétrie,
Et fiers de vos tourmens, rendez à la patrie
Tous les jours que vous lui devez !

La patrie ! Ils l’ont vue ; ils baisent le rivage,
Objet de leur sainte amitié.
Sur leur front quel affreux ravage.
Il doit commander la pitié.
À leur aspect, pourtant, d’où vient cette contrainte ?
Le malheur est-il fait pour engendrer la crainte,
Où produire l’inimitié ?

Qu’ils redisent leur plainte, un instant méconnue I
Qu’ils montrent leur noble pâleur ;
En tous lieux voilà parvenue.
La voix de leur mâle douleur.
La puissance n’est rien, où n’est pas la justice :
Tremblez ! que cet exemple, ingrats, vous avertisse
Qu’il faut respecter le malheur !

Gloire au sage ! Salut à l’ami de l’étude,
Du malheur illustre héraut,
Qui, du sein de la solitude,
À nos cœurs livre un doux assaut !
Quels accens ! quelle voix religieuse et tendre !
L’égoïsme se tait aux sons qu’il fait entendre,
Et la pitié parle plus haut.