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SUR LA HOUILLÈRE DE BEAUJONC.

la persuasion où il était qu’on pouvait y déserrer aux travaux du bure de Mamonster.

Quoiqu’il ne fût pas possible d’employer plus de deux hommes pour ouvrir la tranchée, l’ouvrage avançait, parce que les mineurs se relevaient successivement. Les plus faibles transportaient la mine dans l’aval pendage. Ils avaient déjà ouvert un chemin de sept mètres de longueur en amont ; ils espéraient être bientôt au milieu de leurs familles ; chaque coup de pic, en rendant un son plus grave, annonçait qu’on n’était pas éloigné du vide ; mais quel fut leur désespoir lorsqu’ils déserrèrent à d’anciens travaux du bure abandonné de Martin Wery, d’où il s’échappa, avec un bruit horrible, du crouin (air inflammable) qui leur aurait causé la mort, si Goffin n’eût subitement bouché la communication. Les ouvriers, frappés de stupeur, se laissent tomber sur le deille[1] de la veine ; quelques-uns veulent néanmoins continuer les travaux dans le même lieu, Goffin s’y oppose et leur dit : « Lorsque nous n’aurons plus d’espérance, je vous ramènerai ici, et ce sera bientôt fini. »

Leur désespoir paraît être parvenu au comble, ils s’écrient tous que leur mort est inévitable ; ils poussent des cris douloureux ; les enfans demandent la bénédiction à leurs pères ; ceux qui n’en ont point s’adressent à Goffin, et le supplient à genoux de la leur donner. Les hommes expriment leurs regrets sur le

  1. Mur de la veine, ou schiste sur lequel elle repose.