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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

tions le nom, eût passé devant eux. Revenues de la stupeur de ces premiers momens, une infinité de personnes s’abandonnèrent bientôt aux cris du désespoir ; quelques-unes maudissaient ceux dont l’ignorance venait de nous être si funeste. M. Lapérère, en montant sur le pont, aussitôt après l’accident, s’adressa d’une manière énergique à celui qui, comme nous l’avons déjà dit, dirigeait depuis plusieurs jours la marche du navire, et lui dit : Voyez, Monsieur, où votre entêtement nous a conduits : je vous en avais prévenu. Deux femmes seules parurent supérieures à la terreur de ce désastre ; c’étaient l’épouse et la fille du gouverneur. Quel contraste frappant ! des hommes qui, depuis vingt ou vingt-cinq ans, avaient couru mille dangers, étaient profondément affectés, tandis que Mme  et Melle Schmalz paraissaient insensibles et comme étrangères à tous ces événemens.

Nous nous trouvâmes dans cette position fatale précisément à l’époque des fortes marées, temps qui nous était le plus défavorable, parce qu’elles allaient perdre, et que nous touchâmes pendant que l’eau était le plus élevée. D’ailleurs, les marées marnent fort peu dans ces parages ; du temps des pleines lunes elles ne s’élèvent pas de cinquante centimètres de plus que dans les temps ordinaires ; dans les malines ou grandes marées, l’eau ne monte pas au-dessus de cent-vingt centimètres sur le banc. Lorsque nous touchâmes, nous avons déjà dit que la sonde ne donna que cinq mètres soixante centimètres ; de basse mer, elle ne donna que