Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
70
NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

que trop réalisées, ne voulut pas partir sans s’être assuré par lui-même que notre radeau était pourvu de tous les instrumens et cartes nécessaires pour naviguer avec une certaine sécurité, dans le cas où le mauvais temps obligerait les embarcations à se séparer de nous. Comme il était impossible de se remuer sur le radeau, tant nous étions serrés les uns contre les autres, il jugea plus simple de faire appeler M. Renaud, qui se rendit sur le champ à son invitation. En venant à bâbord, il nous demanda ce que nous voulions ; il lui fut fait alors les questions suivantes : Sommes-nous en état de nous mettre en route ? Avons-nous des instrumens et des cartes ? Oui, oui, répondit-il ; je vous ai pourvus de tout ce qui peut vous être nécessaire. On lui demanda encore quel était l’officier de marine qui devait venir nous commander ; il répondit : C’est moi ; dans un instant je suis à vous. Après ces paroles, il disparut et s’embarqua dans un des canots.

Comment est-il possible qu’un marin français ait pu montrer autant de mauvaise foi envers de malheureux compatriotes qui mettaient en lui toute leur confiance ! et pourtant nous avons à raconter des traits encore plus hideux, encore plus affligeans pour l’humanité !

Enfin le grand canot se mit sur l’avant de la frégate, et le gouverneur s’y fit descendre dans un fauteuil fixé à l’extrémité d’un palan. On remarquait sur l’arrière