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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

signal du départ ; la petite flotille s’ébranle, et désormais le salut de l’équipage ne peut plus être compromis que par une tempête, ou les dangers de la côte vers laquelle on se dirige. »

« Dans la plupart des naufrages, il est malheureusement impossible de procéder avec un tel ordre. Le bâtiment donne sur un écueil, il s’ouvre, s’emplit, et souvent est brisé en pièces dans peu d’instans. Alors l’équipage ne saurait tenter aucun effort pour se soustraire en totalité à la mort affreuse qui le menace ; et ceux qui survivent à un pareil désastre n’en réchappent d’ordinaire que par une adresse et surtout un bonheur bien rares. Mais, je le répète, si j’en juge par les documens que j’ai entre les mains, et l’état de la Méduse six semaines après l’échouage, il m’est permis de croire qu’on eut pu apporter plus de détails et de soins encore que je n’en indique dans l’évacuation de cette frégate. »

À peine fûmes-nous au nombre de cinquante sur le radeau, que ce poids le mit au-dessous de l’eau au moins à soixante-dix centimètres, et que, pour faciliter l’embarquement des autres militaires, on fut obligé de jeter à la mer tous les quarts de farine qui, soulevés par la vague, commençaient à flotter et étaient poussés avec violence contre les hommes qui se trouvaient à leur poste. S’ils eussent été fixés, peut-être en aurait-on conservé quelques-uns ; le vin et l’eau le furent seuls, parce que plusieurs personnes se réunirent pour leur conservation, et mirent tous leurs soins à empêcher