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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

Ce fut alors que plusieurs personnes qui avaient été désignées pour les embarcations, regrettèrent vivement d’avoir préféré le radeau, parce que le devoir et l’honneur leur avaient marqué ce poste. Nous aurions à citer quelques individus. Par exemple, M. Corréard entre autres devait aller dans une des embarcations ; mais douze des ouvriers qu’il commandait avaient été désignés pour le radeau, il crut qu’en sa qualité d’ingénieur-commandant, il était de son devoir de ne point se séparer de la majeure partie de ceux qui lui avaient été confiés, et qui lui avaient promis de le suivre partout ou l’exigerait le besoin du service. Dès ce moment son sort devint inséparable du leur, et il fit auprès du gouverneur toutes les démarches possibles pour que ses ouvriers fussent embarqués sur la même chaloupe que lui ; mais voyant qu’il ne pouvait lien obtenir pour améliorer le sort de ces braves gens, il dit au gouverneur qu’il n’était pas fait pour commettre une lâcheté ; que puisqu’il ne voulait pas réunir ses ouvriers avec lui dans la même embarcation, il le priait de lui permettre d’aller avec eux sur le radeau, ce qui lui fut accordé.

Plusieurs officiers militaires suivirent cet exemple ; deux seulement de ceux qui devaient commander les troupes n’avaient pas jugé convenable de se placer sur Le

    laisser passer les balles. Cette vengeance leur paraissait naturelle de la part d’un si grand nombre d’hommes si lâchement abandonnés.