Page:Correspondance intime de l'amiral de La Roncière Le Noury avec sa femme et sa fille, 1855-1871. T. 1,.djvu/112

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correspondance la roncière

procher jusqu’à sept lieues du cap Farewell, et là j’ai été arrêté par les glaces qu’il a fallu contourner en traversant toutes leurs pointes. Je me suis retrouvé dans la même situation pendant deux jours que dans ma tentative vers Jean Mayen ; mais j’ai eu un spectacle plus grandiose. C’est celui des montagnes de glace. Du côté de Jean Mayen il y a la banquise et les gros glaçons qui s’en détachent ; au Groenland de même, mais il y a en plus des glaçons gros comme des montagnes qui proviennent des glaciers à terre. Ils s’en détachent au printemps, roulent dans la mer et flottent à l’aventure, entraînés par les vents et par les courants. Il y en a qui ont des centaines de pieds de hauteur et qui entrent dans l’eau d’une quantité sept fois plus grande que ce qui est au dehors. La Reine Hortense avait l’air d’une chaloupe en passant à côté de ces montagnes. Nous avons tiré des coups de canon à boulet sur quelques-unes ; cela n’y fait pas le moindre effet. C’est dangereux, mais c′est grandiose.

Nous avons suivi la banquise jusque près de Frederickshaab[1]; là elle cesse ; il n’y a plus que des glaçons flottants et des montagnes de glace. La brume nous a pris, puis un coup de vent du sud. Malgré tous mes efforts, je n’ai pas pu entrer à Frederikshaab, n’ayant pas de pilote, et le temps étant trop mauvais pour qu’il en vînt un. J′étais vivement contrarié. Après les tentatives les plus impossibles, j’ai dû me décider à aller à Godthaab à 50 lieues plus loin ; j’ai eu très mauvais temps pour continuer ma route, et surtout beaucoup de brume. Il s’agissait de trouver l’entrée de la rade, qui comme à Frederikshaab, n’a aucune indication extérieure. Le temps était trop mauvais pour qu’il vînt quelque pilote

  1. Frederikshaab À 200 kilomètres au sud de Godthaab.