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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 15.djvu/173

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Sur un pliant est un rouleau de papier sur lequel est tracé le plan du couvent fondé à Versailles par la feue reine, et dont Madame Adélaïde est, directrice. Le lieu de la scène est une galerie ornée de bas-reliefs représentant différents traits de la vie de Louis XV, etc.

Nous voici enfin arrivés au tableau qui suffirait seul pour soutenir, pour relever l’honneur de l’école française. C’est le tableau de M. David représentant Socrate au moment de prendre la ciguë. Ce tableau appartient à M. de Trudaine.

Le fond offre une partie séparée de l’intérieur d’une prison ; de côté, dans l’enfoncement d’une voûte, le vestibule de la prison et l’escalier par lequel on voit sortir quelques vieillards qui n’ont pas le courage d’assister au dénoûment d’une scène si douloureuse.

Socrate est assis sur son lit, entouré de ses vieux amis et de ses jeunes disciples ; déjà l’une de ses mains s’étendait, prête à saisir la coupe que lui présente en tremblant un jeune esclave qui détourne la tête pour ne point le voir, que, livré au sentiment qui l’anime et qu’il veut faire passer dans l’âme de ceux qui l’écoutent, il lève l’autre main au ciel pour affirmer ainsi plus solennellement les dernières vérités qu’il leur annonce. Une de ses jambes pose à terre, l’autre est étendue sur le lit, et l’on y voit encore la marque des fers qui l’ont blessée, circonstance qui rappelle d’une manière intéressante l’apologue que ce sage fit dans ses derniers moments sur l’alliance du plaisir et de la douleur.

Quelques artistes, quelques prétendus connaisseurs ont critiqué l’action opposée des deux bras, ont soutenu qu’il était impossible qu’un homme se tienne dans l’attitude que le peintre donne à Socrate, le corps étant posé trop perpendiculairement sur le lit et la jambe droite infiniment trop élevée. Je crois m’être assuré du contraire. Le mouvement que fait le philosophe en levant la main au ciel et laissant l’autre étendue doit soulever naturellement les reins au lieu de les faire fléchir, et l’espèce d’effort que ce mouvement suppose me paraît d’accord avec l’expression répandue dans tous les traits, dans toute la figure de Socrate. Les sublimes vérités qui occupent dans ce moment l’âme du philosophe l’élèvent au-dessus de lui-même ; l’enthousiasme ferme et tranquille que lui inspire l’idée d’un