Aller au contenu

Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 15.djvu/350

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais où l’on assure avoir conservé scrupuleusement les expressions de l’original, sans s’être permis d’y ajouter une seule phrase. Si c’est, comme on l’a dit dans le monde, l’extrait qu’en avait fait anciennement l’abbé de Voisenon pour M. le duc de Choiseul, il est à présumer que l’ouvrage a été imprimé sur une copie fort défectueuse, car on y rencontre à tout moment des phrases qui n’ont ni fin ni liaison, et de ces sortes de fautes qui ne peuvent être attribuées qu’à l’impéritie de l’imprimeur ou du copiste. Quoi qu’il en soit, les Mémoires de M. de Saint-Simon, dont il existait depuis longtemps plusieurs copies manuscrites, ont été cités si souvent par nos meilleurs écrivains que l’extrait qu’on nous en donne aurait été plus imparfait encore, qu’il ne pouvait manquer d’exciter une grande curiosité. On ne trouve guère dans ces trois volumes que des anecdotes domestiques sur le caractère de Louis XIV et de ses ministres, sur celui du Régent et de ses favoris, sur la cour de Philippe V ; mais il en est un assez grand nombre dont l’originalité est vraiment fort piquante. Si le style de M. de Saint-Simon est en général d’une grande négligence, il étincelle quelquefois d’expressions infiniment énergiques, de traits que n’eût point désavoués le génie de Tacite et de Montesquieu. Si l’amertume et la causticité sont les caractères habituels de sa manière de voir, il n’en loue pas avec moins de grâce ; personne n’a peint avec plus de charme l’âme et les vertus de Fénelon ; voici ce qu’il dit de sa physionomie :

« Elle ne pouvait s’oublier, ne l’aurait-on vue qu’une fois ; elle rassemblait tout, et les contraires ne s’y combattaient point ; elle avait de la gravité et de l’agrément, du sérieux et de la gaieté ; elle sentait également le docteur, l’évêque et le grand seigneur ; ce qui y surnageait, ainsi que dans toute sa personne, c’était la finesse, l’esprit, les grâces, la décence, surtout la noblesse. Il fallait faire effort pour cesser de le regarder. »

Malgré la multitude des ouvrages écrits sur le règne de Louis XIV, il semble que l’énigme fastueuse du caractère de ce prince ne se débrouille entièrement à vos yeux qu’en lisant les Mémoires de l’Observateur véridique, beaucoup trop véridique sans doute pour l’intérêt d’une gloire qui en imposa si longtemps à l’Europe entière.

Nouveau Voyage en Espagne, ou Tableau de l’état actuel de cette monarchie, contenant les détails les plus récents sur la