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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 15.djvu/353

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une crainte si bizarre ? — La déclaration de nos parlements doit avoir ici de l’autorité. — Quoi ! ils résistent également à la cour plénière et à de bons, de vrais états généraux ! Je ne reconnais plus leur sagesse, leur patriotisme, leur générosité. — Il y a, dit-on, une partie de la noblesse, du clergé, qui pense comme eux ; c’est un si beau droit de dominer dans les assemblées d’une nation, une si noble prérogative que celle de casser ou de corriger ses décrets, qu’on a peine d’y renoncer. — Je commence à vous entendre. — Non, vous ne m’entendez pas… Loin d’inculper les parlements, je crois que s’ils séparent les droits de leurs corps de ceux de la nation, c’est qu’ils n’ont pas encore assez aperçu combien cette séparation serait funeste et coupable. S’ils paraissent résister dans ce moment à un bienfait du gouvernement, c’est par un mouvement trop prolongé de la ferme résistance qu’ils ont dû faire à une subversion désastreuse, etc. »

Pour retrouver les principes généraux d’une saine représentation nationale, M. Lacretelle remonte jusqu’aux premiers principes de l’ordre social ; c’est cette partie de son ouvrage qu’on a trouvée trop abstraite ; elle l’est surtout relativement à l’objet qu’il paraît avoir eu essentiellement en vue. Ses conclusions n’en sont pas moins raisonnables, et les voici :

« Les grandes nations ne peuvent voter que par représentants ; mais pour que le corps représentatif réunisse les droits de la généralité, pour qu’il puisse les exercer avec cet avantage de modération et cette sûreté de moyens qui peuvent se rencontrer dans une assemblée d’hommes choisis, et non dans une cohue populaire, il faut que la représentation soit un extrait de la nation elle-même, en sorte que la nation elle-même ait concouru à la former.

« Il ne serait guère plus possible de réunir tous les habitants d’un empire pour une élection de députés que pour une délibération commune. Il y a plusieurs classes très-nombreuses qui n’ont pas droit à cet avantage, plusieurs n’y sont pas nécessaires individuellement. Tous ceux qui n’ont dans l’État qu’une habitation transitoire, ceux qui sont trop misérables pour contribuer aux charges publiques jusqu’à une certaine mesure, et qui offriraient plutôt un suffrage à vendre qu’à donner, les soldats qui ont aliéné leur liberté au pouvoir exécutif, les employés du fisc,