Aller au contenu

Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 15.djvu/357

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment produit par le dix-neuvième de vos travailleurs, voilà donc évidemment aussi le dix-neuvième de vos travailleurs sans autre ressource que les grands chemins… Considère-t-on de sang-froid dans les grands chemins cette multitude de malheureux que la banqueroute nationale y précipite ? Réfléchit-on que le dix-neuvième des travailleurs, joint aux dépendants de toute espèce que les victimes de la banqueroute faisaient vivre, forme bien plus d’un million d’âmes ?… Ce corps formidable n’a besoin que d’un chef pour ne pas se borner aux assassinats suffisants pour subsister pendant la journée. Songez que, dans le nombre des ruinés, il suffit d’un Marius ou d’un Catilina pour changer dans bien peu de temps le nom de tous les propriétaires de la France, etc. »

Ces images sont trop funestes pour y arrêter plus longtemps notre pensée.


LA COURONNE,
ÉPIGRAMME FAITE À LYON.

Larive obtint ici jadis une couronne :
À Duval[1] aujourd’hui tout le public la donne.
Ce public est changeant, mais il s’y connaît bien,
Il rend toujours hommage au plus grand comédien.

— Le mardi 11 novembre, on a donné, sur le Théâtre-Italien, la première représentation des Dangers de l’absence, ou le

  1. À son passage à Lyon, M. Duval d’Éprémesnil a été reçu avec des empressements infinis. Lorsqu’on l’a vu paraître au spectacle, il y a été applaudi comme le serait un général d’armée après une victoire qui aurait sauvé le royaume. On a jeté sur le théâtre des vers et une couronne de laurier. Le public a demandé que les vers fussent lus à l’assemblée ; ils ont malheureusement paru fades et mauvais ; cependant on a crié à l’auteur d’aller porter la couronne sur la tête de
    M. d’Éprémesnil. Le Caton de nos jours l’a déposée modestement sur la tête d’un M. Barroud qui était à côté de lui : ce M. Barroud a préféré l’honneur de l’exil à celui de présider un des grands bailliages de M. de Lamoignon. Trop modeste pour garder la couronne, il l’a posée respectueusement sur la tête de Mme d’Éprémesnil, ci-devant Mme Thilorier, ci-devant la maîtresse de M. de Clugny, etc. Cette suite de lazzis, leur chute imprévue, a refroidi l’enthousiasme public, et aux applaudissements se sont mêlés des éclats de rire assez indécents. « Ce qui doit
    immortaliser à jamais M. d’Éprémesnil, disait un de ses plus anciens confrères, c’est d’avoir si bien réussi à faire faire tour à tour la plus grande sottise possible au Parlement et à l’autorité. Ce sont de ces choses de génie qui ne se font pas mieux avec beaucoup d’esprit et de talent. » (Meister.)