Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/217

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un assez grand nombre de beaux tableaux à nous transmettre par la gravure : c’est à quoi ils doivent employer leur talent. S’ils ne peuvent ou ne veulent se charger d’un tel travail, qu’ils meurent de faim ou qu’ils fassent des souliers : car, pour leurs images, je ne conseillerai jamais à personne d’en donner une obole.

Pendant que M.  Lemire et compagnie nous préparent leurs images avec la traduction des Métamorphoses faite par l’abbé Bannier, un M.  Fontanelle, dont je n’ai jamais entendu parler, nous a donné une nouvelle traduction des Métamorphoses d’Ovide, en deux gros volumes in-8o assez bien imprimés[1]. Ces volumes sont encore ornés d’images. C’est une fureur qui se répand de plus en plus parmi nous, et qui rend les livres chers et de mauvais goût. Les Anglais, qui exécutent les plus beaux ouvrages en fait de typographie, n’ont pas la manie d’y ajouter de mauvaises images. Quant à M.  Fontanelle, qui me paraît différer de feu M.  de Fontenelle par plus d’une voyelle, on m’a assuré qu’il est l’auteur de cette mauvaise tragédie de Pierre le Grand, qui a paru sur la fin de l’année dernière. S’il faut juger de son style par sa tragédie, on peut jeter sa traduction et ses images au feu. Mais avant de juger lequel mérite la préférence de l’abbé Bannier ou de M.  Fontanelle, il faudrait que la possibilité de traduire en français un poëme tel que les Métamorphoses d’Ovide me fût démontrée : or, c’est précisément le contraire qui m’est démontré. Je soutiens qu’il est impossible de traduire les Métlamorphoses, à moins d’être aussi grand poëte qu’Ovide lui-même ; comment, sans cela, transmettre dans une autre langue ce coloris précieux qui fait le mérite particulier de ce poëme ? Un homme qui serait digne de le traduire s’en désespérerait à chaque page ; il n’y a qu’un pédant froid comme la glace, qui puisse achever patiemment un ouvrage qui ne peut lui plaire qu’autant qu’il n’en connaît pas la difficulté.

— Je suis un peu humilié de n’avoir pu, malgré tous les soins que je me suis donnés, réussir jusqu’à présent à voir la tragédie nouvelle de M.  de Voltaire intitulée les Scythes. Elle est cependant imprimée, cette tragédie, et je crois que l’édi-

  1. On a publié une nouvelle édition de la traduction des Métamorphoses d’Ovide, de M.  Dubois-Fontanelle, en 1802, 4 vol. in-8o. L’auteur, natif de Grenoble, est mort dans cette ville le 15 février 1812, âgé dé soixante-quinze ans. (B.)