Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/243

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manque à celles-ci. Ainsi, si elles sont originales, je les crois du moins tronquées. On y trouve quelques particularités curieuses sur les inquiétudes qui agitaient l’Europe en 1728 et en 1730. L’objet du Testament est de tracer la situation intérieure de la Grande-Bretagne, et ses rapports avec ses voisins. On voit, dans la première partie, un écrivain qui n’a point d’idées fixes. Il dit alternativement que l’Angleterre a trop et trop peu de liberté, trop et trop peu de commerce, trop et trop peu de crédit public. Peu s’en faut qu’il ne fasse de M.  Walpole un missionnaire de la religion romaine. On voit à chaque page un homme qui n’a pas médité son sujet, et qui ne connaît pas le pays dont il parle, ce qui fait que la seconde partie de l’ouvrage est vague, décousue, sans ordre, et souvent obscure ; du reste, remplie d’aperçus, de demi-vues et de quelques connaissances. Le style est, en général, incorrect, inégal, quelquefois trop figuré, et souvent entortillé. Bonsoir à M.  le notaire, qui ne sera jamais le mien.

M.  Horace Walpole, fils du ministre, est venu passer l’hiver précédent en France. C’est lui qui a écrit cette lettre du roi de Prusse à Jean-Jacques Rousseau, qui est devenue l’origine de la querelle de celui-ci avec M.  David Hume. M.  Horace Walpole est un homme de beaucoup d’esprit, mangé de goutte et d’une fort mauvaise santé. Il a écrit différentes choses. Il ne faut pas juger les ouvrages de M.  Walpole comme ceux d’un homme de lettres de profession, mais comme des objets d’amusement et de délassement d’un homme de qualité. On vient de traduire son roman gothique intitulé le Château d’Otrante[1], en deux petites parties. C’est une histoire de revenants des plus intéressantes. On a beau être philosophe, ce casque énorme, cette épée monstrueuse, ce portrait qui se détache de son cadre et qui marche, ce squelette d’ermite qui prie dans un oratoire, ces souterrains, ces voûtes, ce clair de lune, tout cela fait frémir et dresser les cheveux du sage comme d’un enfant et de sa mie, tant les sources du merveilleux sont les mêmes pour tous les hommes ! Il est vrai que, quand on a lu cela, il n’en résulte pas grand’chose ; mais le but de l’auteur était de s’amuser, et si le lecteur s’est amusé avec lui, il n’a rien à lui reprocher. Le dénoûment pouvait être plus soigné ;

  1. 1767, in-12 ; voir tome IV, page 459, note 2.