Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/257

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait épousé les intérêts d’un trop mauvais joueur. L’historien de Montrose s’étend souvent sur les vertus et sur la bonté de Charles Ier ; mais c’est qu’il ne sait pas qu’un bon homme et un bon roi sont deux bonnes gens qui ne se ressemblent guère. Enfin, il est des causes justes que la faveur publique ne seconde jamais ; c’est qu’il ne suffit pas d’avoir raison, il faut encore autre chose. Tout le monde admire Cromwell ; on plaint Charles Ier, mais d’une pitié bien froide. On n’a qu’à voir combien le sentiment qu’on éprouve au récit du supplice du roi d’Angleterre est différent de celui que fait naître l’assassinat de Henri IV par Ravaillac. C’est que Henri était un grand et un excellent homme, et Charles était un pauvre homme. Montrose a souffert jusque dans sa réputation, qui aurait été bien autrement brillante s’il avait servi une cause soutenue par la faveur publique.

— On vient de rendre à M. David Hume le service que nos impitoyables compilateurs rendent depuis quelque temps à tous les écrivains célèbres sans les consulter : c’est-à-dire qu’on vient de le dépecer, disséquer, décomposer, et réduire à un volume intitulé Pensées philosophiques, morales, critiques, littéraires et politiques, de M. Hume. Ce volume fait plus de quatre cents pages in-12. Le compilateur a eu soin de retrancher de cet extrait tout ce qui sent le fagot d’hérésie, et il se flatte d’avoir réussi à faire du philosophe David Hume un écrivain édifiant et orthodoxe.

— Une femme de Berlin, appelée MmeMe Therbusch[1], vient d’être agrégée à l’Académie royale de peinture et de sculpture en qualité d’académicienne. Le tableau qu’elle a présenté pour sa réception, et que l’Académie a accepté, est un morceau de nuit. C’est la figure d’un artiste ou d’un artisan, grande comme nature et vue jusqu’aux genoux, éclairée par une chandelle, ce qui lui donne un aspect rougeâtre et piquant. Cet effet de lumière m’a paru beau. On remarque d’ailleurs dans les tableaux de Mme Therbusch de la facilité et une grande liberté de pin-

  1. Anne-Dorothée Lisiewska, femme Therbusch ou Therbouche, selon l’orthographe adoptée par le livret de 1767 et par Diderot, née en 1728, morte en 1782, fut au nombre des artistes que le philosophe aida de ses conseils, de sa plume et de sa bourse. Elle lui causa de réels ennuis dont on retrouve l’écho dans les Lettres à Falconet et à Mlle Volland. Voir t. XVII, p. 254, 284, et t. XIX, p. 296 de l’édition Garnier frères.