Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La populace s’assemble, on fait venir la garde, qui n’arrête que le soldat que son camarade avait empêché de prendre part à la querelle. Les témoins embrouillent l’affaire, parce qu’ils confondent les actions des différents soldats dont ils ignorent le nom. M.  le maréchal de Biron, colonel des gardes-françaises, obtient des lettres de grâce dans lesquelles les trois soldats sont compris, mais où, par erreur, on désigne comme auteur du meurtre celui qui ne l’avait pas commis. Lorsqu’il est interrogé, on lui conseille de se dire en effet auteur du meurtre, parce que sans cela les lettres de grâce ne peuvent servir. Cet aveu hasardé rend sa cause plus fâcheuse que jamais : car, comme on avait déposé que ce soldat avait été retenu dans la rue par son camarade, les juges en inférèrent qu’étant de son propre aveu l’auteur du coup, il l’avait porté de dessein prémédité, et non pour sa défense. En conséquence, ils refusèrent d’entériner ses lettres de grâce ; et voilà ce malheureux sur le point d’être condamné au supplice pour un meurtre qu’il n’a pas commis. Alors ses camarades se montrent et découvrent la vérité. Celui qui a fait le coup produit des témoins qui l’attestent. Il y a dans cette aventure une foule de circonstances bizarres, avec un mélange singulier de bonne foi et d’héroïsme. On ignore encore quel sera le sort de ces trois soldats. Leur avocat a expliqué cette affaire très-embrouillée avec beaucoup de précision et de vraisemblance. La partie pathétique se ressent un peu de la déclamation reçue au barreau, et c’est dommage.

Le Siège de Calais nous a valu Le Siège de Beauvais, ou Jeanne Laisné, tragédie en cinq actes, par M.  Araignon, avocat au Parlement[1]. Ah ! quelle tragédie ! M.  Araignon rend justice à son heureux rival, M.  de Belloy, quoique, pendant qu’il s’amusait en Allemagne, celui-ci, comme il dit, l’ait forcé de vitesse par sa sublime tragédie du Siège de Calais. En effet, elle est sublime en comparaison du Siège de Beauvais.


article de m. diderot.

Vous me demandez, mon ami, ce que je pense de l’Éloge du Dauphin, par M.  Thomas. Je ne vous répondrai pas autre

  1. Paris, Lambert, 1766, in-8o.