Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/267

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se développa dans cet enfant à l’occasion d’une somme de vingt‑quatre livres que son père, excessivement pauvre, avait eu le bonheur d’amasser. Ce louis d’or fit un si grand événement dans la famille que l’enfant voulut savoir combien il y avait de liards dans un louis d’or, et depuis ce temps il n’a cessé de calculer. Il paraît sensible et bien né. Il est d’une physionomie intéressante, mais je ne serais pas étonné qu’il ne vécût point. On vient de le mettre dans une pension militaire, où la géométrie et les mathématiques s’enseignent particulièrement, S’il fait des progrès à proportion des dispositions qu’il montre, il pourra être reçu de l’Académie des sciences à l’âge que nous avons fixé au jeune Mozart pour faire exécuter son premier opéra sur le théâtre de Saint-Charles à Naples, c’est-à-dire à l’âge de treize à quatorze ans. Il faut consacrer le souvenir des vilaines actions comme des bonnes. Si le jeune Féry a trouvé de généreux bienfaiteurs, il a aussi déjà rencontré des gens qui savent calculer comme lui. Un conseiller au parlement de Metz s’est chargé de prendre cet enfant à Nancy, dans sa chaise, et de l’amener à Paris. En le remettant à M.  d’Alembert, ce conseiller lui a demandé quatre louis d’or pour les frais de voyage. C’est bien des liards. M.  d’Alembert les a payés en s’en faisant donner quittance. Si le jeune Féry devient un géomètre célèbre, je me flatte que nous lirons dans le précis de sa vie, immédiatement après son extrait baptistère, la quittance de son conducteur. Ce conducteur me paraît plutôt membre de la synagogue des juifs de Metz que membre du parlement de cette-ville ; il vend un peu cher l’honneur de voyager à côté de lui. Je suis très-fâché de n’avoir pu savoir son nom pour le conserver ici avec l’éloge que son noble et généreux désintéressement lui a si bien mérité. Je recommande ce panégyrique à l’équité de M.  d’Alembert.

— On a imprimé en Suisse des Étrennes aux désœuvrés, ou Lettres d’un Quaker à ses frères et à un grand docteur. Quand M. de Voltaire a voulu châtier l’évêque du Puy-en-Velay, un certain quaker a adressé deux lettres charitables à Jean-George. Ici un partisan de Jean-Jacques Rousseau copie cette tournure pour dire son sentiment sur le procès de son chef avec M.  Hume. La première lettre est contre ce philosophe ; la seconde, contre M. de Voltaire, à cause de la lettre qu’il a adressée à M.  Hume