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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

eu le plus de peine à y garder leur poste, parce qu’il est impossible de résister longtemps à l’anarchie qui y règne. Ce n’est pas à son mérite qu’il a été redevable de la conservation de sa place, mais à la commisération ; on a eu honte de chasser un homme à qui on n’avait aucun reproche à faire, dont le savoir était bien décidé, et qu’on aurait envoyé a la misère avec une femme et quatre enfants. Cet honnête homme, qu’on avait d’abord fait professeur, qu’on tire ensuite de la classe des professeurs pour l’élever au grade d’inspecteur, et qu’on a depuis dépouillé de son grade pour le réduire à la condition de maître à lire et à écrire, vient de publier l’ouvrage de Grammaire générale et raisonnée le plus profond que nous ayons. Ce livre est à l’usage de très-peu, mais de très-peu de lecteurs. Celui qui l’entend peut se vanter d’entendre, quand il voudra, les principes mathématiques de Newton, et tout ce qu’il y a de plus abstrait dans la métaphysique. Le chapitre des temps des verbes est un chef-d’œuvre dans ce genre. Il n’y a pas un mot de vrai dans celui des inversions, où l’auteur prétend que la syntaxe française range les mots dans l’ordre le plus naturel et le plus conforme à la naissance et à la succession des idées. À cela près il serait peut-être difficile de trouver un autre défaut de raison et de bon sens dans cet ouvrage. Il est très-purement écrit. On lui reproche d’être diffus. S’il est obscur, cela vient certainement plus de la difficulté de la matière que de la faute de l’auteur ; qui est homme de sens, simple et clair en conversation. On pourrait encore lui reprocher d’avoir appliqué ses principes à des exemples plats et communs. Il n’en aurait pas coûté davantage de les choisir délicats, piquants, profonds, intéressants ; d’autant plus que l’auteur avait un exemple sous les yeux dans les Synonymes de l’abbé Girard, qui a trouve le moyen de faire un ouvrage de mœurs d’un ouvrage de grammaire. Celui-ci est dédié à l’Académie française, ou il n’y a pas dix personnes en état de le bien entendre. L’abbé d’Olivet, qui, à la vérité, y est assez peu ménagé, s’en est déclaré l’ennemi ; mais on sait que cet abbé est en général ennemi de tout bien, et qu’il est né pour démentir le principe des moralistes, qui dit qu’on ne fait pas le mal pour le mal. Au reste, nous conseillons à ceux qui sont curieux de connaître non-seulement le mécanisme de notre langue, mais celui de toutes les langues en