Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/96

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est d’une tristesse mortelle, et qu’il a encore le désavantage de porter la chaleur à la tête en laissant les pieds froids. M.  de Montalembert, en combinant les avantages de l’un et de l’autre, a cherché à éviter ou à vaincre les inconvénients de tous les deux. Il vous chauffe même une maison de bas en haut et dans toutes ses parties avec une dextérité ; merveilleuse. Je ne sais s’il vous garantit aussi bien de la crainte du feu, et s’il ne serait pas à appréhender que votre maison ne se trouvât en feu de trois ou quatre côtés, avant que vous eussiez le temps de le soupçonner.

— La porcelaine de M.  le comte de Lauraguais est devenue un sujet de querelle sans avoir été jusqu’à présent un effet de commerce. Feu M.  de Montamy, premier maître d’hôtel de M.  le duc d’Orléans, donna le secret de cette porcelaine à M.  de Lauraguais dans l’espérance que celui-ci y mettrait l’argent nécessaire pour pousser cette découverte à sa perfection, sous la conduite des docteurs Roux et Darcet, tous deux habiles chimistes. Le bon M.  de Montamy ne connaissait pas M.  de Lauraguais, ou bien ignorait que la fatuité et l’enfance de l’esprit s’opposent à tout bien, et qu’on peut porter cette fatuité auprès d’un fourneau de chimie comme sur une toilette. Plusieurs seigneurs fort agréables se sont avisés en ces derniers temps de se faire petits-maîtres philosophes par air, au lieu d’être petits‑maîtres à bonnes fortunes, et l’on peut dire qu’ils n’ont pas peu contribué par leurs ridicules à ces calomnies absurdes dont on honore la philosophie parmi nous. Ce qu’il y a de certain, c’est que la pâte de M.  de Montamy est excellente, que M.  de Lauraguais en possède le secret depuis huit ans, qu’il a fait pendant cet espace de temps bien des folies, bien des extravagances, qu’il a été enfermé deux ou trois fois par ordre du roi, et que la porcelaine en est précisément au même point où M.  de Montamy l’a laissée, c’est-à-dire qu’elle est toujours d’un blanc fort sale, et que la couverture n’en est pas trouvée. M.  Guettard, de l’Académie des sciences, médecin de son métier, esprit sournois et remuant, avait été employé aux essais que M.  de Montamy faisait autrefois en ce genre, pour contenter la curiosité de M.  le duc d’Orléans, qui en payait la dépense. M.  de Montamy n’eut pas sitôt fermé les yeux que M.  Guettard revendiqua le secret de cette porcelaine comme à lui appartenant. Il