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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

Paris le jour de la pièce, c’est l’établissement de ses deux petits-fils. Il y a deux sœurs dans la pièce ; l’aînée s’appelle Mme d’Origny, la cadette Dorimène : elles sont toutes les deux jeunes et veuves, mais d’un caractère fort divers. Mme d’Origny est sensée, douce et sage ; si elle eût été élevée par le grand-père Fontaubin, elle n’aurait pu contracter une façon d’être plus analogue à la sienne. Dorimène en revanche est évaporée, coquette, aimant la parure, les plaisirs, la dissipation, et tous les travers des jeunes femmes de Paris.

Il existe un testament d’un oncle de ces deux sœurs, lequel donne vingt mille livres de rente de plus à celle qui épousera un Fontaubin. Ce testament dit que l’aînée, Mme d’Origny, aura d’abord le choix : si elle choisit un autre époux que l’un des deux fils de M. de Fontaubin, elle perdra ces vingt mille livres de rente, qui passeront à sa sœur Dorimène supposé qu’elle épouse un Fontaubin. Si cette sœur cadette fait aussi son choix dans une autre famille, le capital de ces vingt mille livres de rente passera à des étrangers qui sont appelés par le testament.

Cette situation réciproque des personnages de la pièce nous est expliquée, suivant l’usage, dans la première scène, par une longue conversation entre la soubrette de Mme d’Origny et le valet du marquis de Fontaubin, qui, pour la commodité du spectateur, se rappellent mutuellement tout ce qu’ils savent de tout temps de l’histoire de leurs maîtres ; ce qu’ils ne seraient pas assez bêtes pour se répéter, si le poëte ne les en avait expressément priés. Voyant que le pauvre homme n’avait aucun autre moyen d’instruire son auditoire, ils se sont chargés charitablement de lui débiter sa kyrielle.

Le jeune marquis de Fontaubin, enivré de son propre mérite, confiant comme un petit-maître, ne doute pas un instant que Mme d’Origny ne se trouve trop heureuse de se conserver vingt mille livres de rente en donnant la main à un des plus aimables hommes de la cour ; il n’est rien moins qu’amoureux d’elle ; leur façon de penser, leurs caractères, sont trop dissemblables, et si le marquis avait le choix, il donnerait la préférence à Dorimène, qui lui paraît bien autrement aimable, et à laquelle il est accoutumé de dire des galanteries. Mais le testament de l’oncle réserve à l’aînée le droit de choisir ; ce n’est qu’à son refus que le droit d’épouser un Fontaubin et