Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 8.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
148
CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

sonnages se croient réciproquement menacés, et les sentiments qu’ils étalent en conséquence, ne subsistent que parce qu’ils ne veulent pas s’expliquer entre eux, ni se dire ce qu’ils se seraient certainement dit en pareille circonstance. Tout cela est puéril, frivole et faux ; mais est-ce la faute de Metastasio ? Non ; c’est que, lorsque des spectacles ne sont destinés qu’à désennuyer une assemblée d’oisifs, il faut qu’ils se ressentent nécessairement de la frivolité de leur institution. Le Roi pasteur ! quel titre ! quel sujet et quelle pièce, si l’art dramatique était appelé à faire des théâtres de l’Europe une école de la morale publique, au lieu de servir à l’amusement d’une troupe de vieux enfants gothiques, qui s’avisent encore de faire les entendus et de parler de goût !

— Le Théâtre-Italien vient de perdre Camille Véronèse, qui jouait dans les pièces italiennes les rôles de soubrette ou de Colombina ; elle était fille de l’ancien Pantalon et sœur de Coraline, célèbre courtisane qui eut pendant quelques années le même emploi au théâtre, mais qui s’en retira de bonne heure, et qui, je crois, vit encore des profits que le commerce de ses charmes lui a valus autrefois. Camille, enfant du théâtre, y dansa dès sa première enfance ; elle succéda ensuite sœur dans l’emploi de soubrette. Le public croyait avoir fait une grande perte par la retraite de Coraline ; mais, autant que je puis m’en souvenir, Coraline avait d’assez beaux yeux, une belle peau, une fort belle gorge, mais, en qualité d’actrice, un babil assez insipide. Vous savez que dans les pièces italiennes il s’agit d’improviser, et qu’un rôle vaut à proportion de l’esprit de l’acteur qui le joue. Camille n’était pas fort éloquente ; elle savait assez mal la langue italienne ; née à Paris, elle s’était accoutumée à parler français avec des mots italiens, c’est-à-dire à conserver les tournures françaises, et à les transporter mot pour mot dans l’italien ; quelquefois elle italianisait même les mots purement français qu’elle était en usage d’employer dans la vie commune ; mais elle avait une grande chaleur, et elle entraînait en dépit de ses mauvais discours ; elle était d’ailleurs un des plus grands pantomimes qu’il y eût sur aucun théâtre. Tout se peignait sur son visage et dans ses gestes, et cette sorte d’expression, elle l’avait souvent sublime. Elle ne sera pas remplacée de longtemps, ni dans le Fils d’Arlequin