« Puisque vous avez été touché, monsieur, de la requête de nos pauvres esclaves francs-comtois, permettez que je vous envoie deux exemplaires. Je suis persuadé que monseigneur le duc d’Orléans ne souffrirait pas cette oppression dans ses domaines.
« Vous savez les succès inouïs des Russes contre les Turcs ; ils perdaient une bataille au pied du mont Caucase dans le temps que le grand vizir était battu au bord du Danube, et que la flotte du capitan-bacha était détruite dans la mer Égée. On croirait lire la guerre des Romains contre Mithridate. D’ailleurs l’Araxe, le Cirus, le Phase, le Caucase, la mer Égée, le Pont-Euxin, sont de bien beaux mots à prononcer en comparaison de tous vos villages d’Allemagne auprès desquels on a livré tant de combats ou malheureux ou inutiles.
« Vous venez du moins de réduire les habitants de Tunis, successeurs des Carthaginois, à demander la paix : que Dieu puisse vous conserver tant à la cour que sur les frontières !
« Il y a deux choses encore pour lesquelles je m’intéresse fort : ce sont les finances et les beaux-arts ; je voudrais ces deux articles un peu plus florissants.
« Pour le Système de la nature, qui tourne tant de têtes à Paris, et qui partage tous les esprits autant que le Menuet de Versailles[1], je vous avoue que je ne le regarde que comme une déclamation diffuse, fondée sur une très-mauvaise physique ; d’ailleurs, parmi nos têtes légères de Français, il y en a bien peu qui soient dignes d’être philosophes. Vous l’êtes, monsieur, comme il faut l’être, et c’est un des mérites qui m’attachent à vous.
« Dès qu’il gèlera, nos gélinotes iront vous trouver. »
On voit, par cette lettre, que le zèle du patriarche en faveur des prétendus esclaves du chapitre de Saint-Claude ne se ralentit point. J’ai eu l’honneur de vous parler de la première requête[2] ; vous ne serez pas fâché de lire aussi la seconde.