Aller au contenu

Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

publiant les fadaises dans ce goût, qui me sont souvent échappées ; je leur ai écrit cent fois de n’en rien faire. Les vers médiocres sont ce qu’il y a de plus insipide au monde. J’en ai fait beaucoup, comme un autre ; mais je n’y ai jamais mis mon nom, et je ne le mettais à aucun de mes ouvrages.

« Je suis très-fâché qu’on me rende responsable, depuis si longtemps, de ce que j’ai fait et de ce que je n’ai point fait. Cela m’est arrivé dans les choses les plus sérieuses. Je ne suis qu’un vieux laboureur réformé, à la suite des Éphémérides du citoyen, défrichant des campagnes arides, et semant avec le semoir ; n’ayant nul commerce avec Mlle Ch***, ni avec aucune Tisiphone, ni avec aucune personne de son espèce agréable.

« P. S. J’ajoute encore que je ne suis point né en 1695, comme le dit votre graveur, mais en 1694, dont je suis plus fâché que du peu de ressemblance. »

— Il faut distinguer, du fatras économique dont nous sommes excédés, une brochure intitulée l’Art de conserver les grains, par Barthélemy Intieri, ouvrage traduit de l’italien, in-8o, avec figures. Bartolomeo Intieri était un de ces hommes de génie dont je crois l’Italie plus féconde qu’aucune autre contrée de l’Europe, mais qui y passent leur vie sans laisser de monuments durables de leur supériorité, sans s’assurer, par aucun bienfait, de la reconnaissance du genre humain, soit que la religion et le gouvernement y mettent obstacle, soit que le climat y porte plus à la paresse que dans nos contrées septentrionales, soit enfin qu’il résulte de la combinaison de ces diverses causes une certaine nonchalance épicurienne et philosophique qui juge que les hommes ne valent pas la peine d’être éclairés, et qui taxe de folie les efforts de ces âmes généreuses qui ont affronté les plus grands dangers, dans l’espérance de rendre le genre humain, avec le temps, un peu moins absurde et moins atroce. Le traducteur de cet ouvrage ne sait pas seulement que, si c’est Bartolomeo Intieri qui inventa cette machine ingénieuse, c’est notre abbé Galiani qui en fit la description ; qu’il est l’auteur de la brochure italienne ; que son frère, le marquis Galiani, en dessina les planches, et que notre académicien, M. Duhamel, a publié depuis longtemps la machine d’Intieri, mais sans en faire honneur à son auteur. Voilà une différence de conduite