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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/236

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Votre patronne, au milieu des apôtres,
Baisait les pieds de son divin époux ;
Belle duchesse, il eût baisé les vôtres,
Et saint Jean même en eût été jaloux.

Comme Mme la duchesse de La Vallière a conservé, à l’âge de cinquante ans, une fort belle tête, Mme la comtesse d’Houdetot fit l’autre jour l’impromptu suivant :


La nature prudente et sage
Force le temps à respecter
Les charmes de ce beau visage,
Qu’elle n’aurait pu répéter.

M. Saurin vient de donner une nouvelle édition revue et corrigée de son Joueur anglais, qu’il a intitulé Beverley, tragédie bourgeoise. Cette pièce est de celles qu’on joue rarement, mais qui attirent du monde par le peu de ressemblance qu’elles ont avec les pièces qu’on joue tous les jours, et dont on dit constamment du mal en sortant de la représentation. Comme beaucoup de petites maîtresses délicates à l’excès ont surtout attaqué la catastrophe, et ont trouvé cet empoisonnement horrible, M. Saurin a fait imprimer dans cette édition deux cinquièmes actes l’un fond noir, tel qu’on le joue ; l’autre couleur de rose, parce qu’on ne laisse pas à Beverley le temps de s’empoisonner, et que sa femme, son ami et le vieux bon domestique, reviennent à temps pour lui apprendre que son sort est changé, et qu’il n’est plus à la besace, malgré toutes les sottises qu’il a faites pour s’y réduire lui et les siens. Jugez de la bonté d’un plan qu’on peut changer à la fin du blanc au noir ou du noir au blanc sans qu’il y paraisse ; ou plutôt soyez persuadé qu’il y paraît, et qu’il n’y a pas l’ombre de jugement dans cette opération. Nos académiciens et nos beaux esprits en savent plus long que les Sophocle et les Euripide, à qui il ne serait jamais venu dans l’esprit que le même sujet pût être dénoué ad libitum, heureusement ou malheureusement. M. Saurin, avec son dénoûment à deux couleurs, me rappelle ce curé de Mont-Chauvet en Basse-Normandie, qui vint à Paris il y a dix-huit ans, et qui nous apporta une tragédie de David et Bethsabée, imprimée, et bien précieuse pour ceux qui