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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/252

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but était de faire du bruit, il a parfaitement réussi. On a parlé de sa critique trois mois avant sa publication, et il est fort problématique qu’on en parle trois semaines après. Il doit sa célébrité à la sensibilité des poètes qu’il attaque. Instruits à temps du présent que M. Clément leur préparait, ils ont fait des démarches à la police pour empêcher son ouvrage de paraître, et ils l’ont en effet retardé pendant trois mois. M. de Saint-Lambert, plus à portée qu’un autre de faire agir l’autorité avec succès, est celui qui a fait les démarches pour arrêter la publication de l’ouvrage ; il en est résulté que le public en est devenu plus curieux, et qu’une critique qui aurait peut-être paru incognito a eu de la vogue pendant quelques jours. On a conté diversement ce qui s’est passé entre M. de Saint-Lambert et M. Clément. Tout ce qu’il y a de certain, c’est que M. Clément, informé des démarches de M. de Saint-Lambert, pour arrêter la publication de son ouvrage, lui a écrit une lettre que celui-ci a trouvée très-impertinente et que M. Clément a été mis en conséquence au For-l’Évêque ; mais que sa prison n’a duré que vingt-quatre heures, ou trois jours au plus, selon d’autres versions. Il a couru à cette occasion l’épigramme que voici :


Pour avoir dit que tes vers sans génie
M’assoupissaient par leur monotonie,
Froid Saint-Lambert, je me vois séquestré.
Si tu voulais me punir à ton gré,
Point ne fallait me laisser ton poëme ;
Lui seul me rend mes ennuis moins amers :
Car, de nos maux, le remède suprême
C’est le sommeil… Je le dois à tes vers.

Je n’ai pu savoir avec certitude si M. de Saint-Lambert est réellement coupable d’avoir attenté à la liberté d’un citoyen, même mauvais sujet, pour venger son amour-propre d’auteur : rien n’est si difficile à Paris que de savoir la vérité sur quelque fait que ce soit. Si M. de Saint-Lambert n’a point d’injustice ni d’abus d’autorité à se reprocher, il a toujours manqué de prudence de faire tant de bruit pour une critique bonne ou mauvaise. Il prétend qu’elle était remplie de personnalités, et que dans ce que M. Clément se permettait de dire sur Doris, le