Aller au contenu

Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/282

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est un proverbe, ou plutôt un opéra-comique sans ariettes. Les deux femelles beaux-esprits ont voulu imiter la touche de Sedaine, et se sont persuadé que pour réussir il n’y avait qu’à charger les traits de ses personnages, et les changer en grimaces ; c’est le comble de la maladresse. Cette pièce a eu quelques représentations. Les deux dames ont de grandes obligations à Molé et surtout à Préville ; sans la verve de Préville elle n’aurait pas été achevée.

M. de Moissy, n’ayant pas infiniment réussi dans ses essais sur les théâtres publics, a cru devoir s’attacher à travailler pour les troupes de société, qui se sont beaucoup multipliées depuis quelques années. Si cette carrière est moins brillante, elle est aussi moins orageuse ; les gens du monde qui jouent la comédie dans leurs châteaux ou dans leurs maisons pour leur amusement et pour un petit nombre de spectateurs choisis sont sûrs de faire applaudir les productions les plus faibles, et de sauver du naufrage les auteurs qui savent le moins nager. M. de Moissy, qui ne s’en est jamais piqué, a voulu partager les succès de société de M. de Carmontelle. Celui-ci est peintre de ridicules à gouache, l’autre s’est fait peintre moraliste en détrempe ; et pour que l’homme, ce grand objet de la morale, ne lui échappe dans aucune situation de la vie, il l’a saisi au sortir du berceau, et le conduisant d’âge en âge, et de proverbe en proverbe, pendant trois volumes consécutifs, il ne l’abandonne que lorsqu’il lui a vu rendre l’âme ; sa première pièce c’est la Poupée, et sa dernière c’est le Vertueux mourant entre les mains de son curé. Tout le recueil a paru successivement en trois volumes in-8°, sous le titre d’École dramatique de l’homme. Le premier volume, qui s’appelle aussi les Jeux de la petite Thalie, ou Nouveaux Petits Drames dialogués sur des proverbes, est destiné à former les mœurs des enfants et des jeunes personnes, depuis l’âge de cinq ans jusqu’à vingt ; dans le second volume, M. de Moissy se propose d’instruire, à force de proverbes dramatiques, l’âge viril depuis vingt ans jusqu’à cinquante ; dans le troisième enfin, il endoctrine par ses proverbes le dernier âge depuis cinquante ans jusqu’au moment du départ. Si le peintre à gouache est plat, le peintre en détrempe est d’un ennui et d’une insipidité qui lui rendent son rival à gouache très-supérieur. Je conseille à M. de Moissy de s’asso-