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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/316

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rade pendant le siège d’une citadelle. Cet auteur était M. de Belloy qui nous avait donné cette énigme mot pour mot pour la description poétique d’une mine, à la fin du premier acte de la tragédie de Bayard.

Les plus forts retranchements sont tombés sur le cinquième acte et sur ce combat, d’heureuse invention, de Bayard au lit avec le traître italien qui veut l’assassiner ; car il vous souvient que ce héros, blessé par trahison au troisième acte, passe le quatrième et le cinquième au lit ; mais le coquin n’en a pas meilleur marché, et Bayard se tire de ce combat supérieurement. On a infiniment craint pour le succès de cette situation ridicule, mais Le Kain a tout sauvé avec un art admirable ; il a été sublime à proportion du progrès de l’absurdité du poëte. Il lui est cependant arrivé une chose fort plaisante au quatrième acte, le lit était du côté du roi ; au cinquième, pour varier, on l’avait placé du côté de la reine. Ainsi, pour ne pas tourner le dos au parterre, Bayard était couché sur le côté gauche au quatrième acte, et sur le côté droit au cinquième. Il s’ensuivit que la blessure avait aussi changé de côté dans l’entr’acte, et qu’après avoir été du côté des boutonnières, elle s’était placée du côté des boutons. Mais ce changement de place ne fut pas aperçu du parterre, à qui la fumée de l’encens qu’on lui brûlait avait sans doute obscurci la vue. Je crois que sans le talent de Le Kain et sans son art inimitable, tous les compliments adressés à la nation française, sans excepter ceux du vieux déserteur du cinquième acte, étaient autant de frais avancés en pure perte, et que le public aurait souhaité le bonsoir à l’auteur avant la fin de la pièce. J’en ai peu vu qui prêtassent aussi bien à une excellente parodie, et quoique j’aie ce genre naturellement en horreur, je crois que celui qui ferait une parodie bien gaie, bien folle, de Gaston et Bayard, me raccommoderait avec lui.

— Je croyais que mes yeux avaient vu mourir le dernier des cartésiens, et qu’il n’en existait plus depuis que nous avons perdu M. de Mairan ; je me suis trompé, et les Bêtes mieux connues, ou Entretiens de M. l’abbé Joannet, m’ont désabusé. C’est le titre d’un ouvrage en deux volumes in-12, et c’est un étrange titre. On ne manquera pas de dire que M. l’abbé, pour mieux connaître les bêtes, s’en est approché le plus près possible, et s’est, pour ainsi dire, perdu dans la foule et identifié avec elles ;