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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/91

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clusivement, on peut se procurer, pour trois livres, la science de coiffer le sexe qu’on a choisi de préférence. Nous devons ce nouveau bienfait à M. de La Garde, jeune coiffeur, qui nous apprend en passant que mademoiselle sa sœur compose et vend une excellente pommade. Si Mlle de La Garde est jolie, je ne doute pas du succès et du débit de sa pommade. Je ne doute pas davantage du mérite de monsieur son frère ; mais il doit cependant une chandelle à la Providence de l’avoir délivré d’un dangereux rival : l’illustre M. Le Gros, si connu aux Quinze-Vingts et dans toute l’Europe par son Art de coiffer les dames, a perdu la vie dans la nuit fatale du 30 mai ; il a été trouvé étouffé, ainsi qu’un Martin, célèbre vernisseur et descendant de ce grand Martin qui a rendu son nom immortel par ses vernis. Cette nuit a donc été assez funeste aux arts, comme vous voyez. Andromaque Le Gros revint sur le champ de mort, vers les trois heures du matin, n’ayant pu rentrer chez elle ; on lui apprit le sort de son époux avec tous les ménagements possibles ; elle répondit, avec une présence d’esprit merveilleuse : « Voilà qui est fort bien, mais encore faut-il que je prenne mes clefs dans sa poche pour pouvoir rentrer chez moi. » À ces mots, on entendit l’ombre d’Hector Le Gros pousser un cri plaintif, et sa veuve éplorée alla se coucher, à l’exemple de M. Bignon.

— L’ouvrage lumineux et profond de M. l’abbé Galiani sur le commerce des blés a jeté l’alarme dans le camp des économistes ; leurs champions se sont armés de toutes pièces pour combattre le champion napolitain, et, comme ils n’ont pas cru pouvoir opposer à ses forces une digue de raisonnements assez puissante, ils se sont bornés à lâcher sur lui le torrent des injures. L’abbé Baudeau a engagé le combat par des Lettres d’un amateur à M. l’abbé G*** sur ses dialogues anti-économistes ; il se proposait d’en publier une tous les huit jours, et de faire mourir ainsi l’athlète napolitain à petit feu ; mais le public a jugé ces Lettres si mauvaises que l’auteur n’a jamais osé publier la troisième. Le grand rêveur de bien public, M. Mercier de La Rivière, a paru ensuite dans l’arène avec un volume in-12 de quatre cent dix-huit pages, intitulé l’Intérêt général de l’État, ou la Liberté du commerce des blés démontrée conforme au droit naturel, au droit public de la France, aux lois fondamentales du royaume, à l’intérêt commun du souverain et de ses sujets