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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/122

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ne pouvaient obtenir des vivres qu’au prix des plus grands sacrifices ; que cependant, depuis l’annonce de mon arrivée, les Indiens les traitaient avec un peu moins de rigueur, que Muteczuma comptait sur ma présence pour que chaque chose rentrât dans l’ordre et que mes hommes pussent sortir dans la ville comme ils en avaient l’habitude. En même temps que l’Espagnol, Muteczuma m’envoyait un Indien chargé de me dire que je ne devais pas ignorer ce qui s’était passé dans la ville ; que sans doute j’arrivais fort irrité et avec des projets de vengeance ; qu’il me priait de m’apaiser, qu’il avait souffert plus que moi de ces événements et que tout s’était fait contre sa volonté. Il me faisait dire d’autres choses encore pour apaiser le ressentiment dont il me croyait plein, ajoutant que je n’avais qu’à me présenter à mon palais où mes ordres seraient exécutés comme devant. Je lui fis répondre que je n’avais contre lui aucun ressentiment et que je ferai ce qu’il m’engageait à faire.

Le jour suivant, veille de la Saint-Jean-Baptiste, je partis et m’arrêtai la nuit à trois lieues de la grande ville. Le jour de la Saint-Jean je me remis en route après avoir entendu la messe et j’entrai à Mexico vers le midi. Je vis peu de monde dans la ville, quelques ponts avaient été enlevés à l’entrecroisement des rues, ce qui me parut de mauvais augure quoique en somme ils eussent pu les enlever par crainte de ce qui s’était passé et qu’en arrivant je les ferais remettre en place. Je me rendis à notre palais où je logeai mes hommes ainsi que dans le grand temple qui en est voisin. Mes vieux soldats de Mexico nous reçurent avec une joie folle comme si nous leur sauvions la vie qu’ils croyaient perdue et nous passâmes ce jour et cette nuit fort calmes, croyant que tout était terminé. Le jour suivant, après la messe, j’envoyai un courrier à la Veracruz pour porter à mes gens la bonne nouvelle que les chrétiens étaient vivants, que j’étais entré dans la ville et que tout allait bien. Ce courrier revint une demi-heure plus tard tout défait, blessé, et nous criant que tous les Indiens de la ville soulevés, marchaient contre nous et que les ponts étaient enlevés. Derrière lui, la foule se précipitait si nombreuse que les rues et les plates-formes des maisons disparaissaient sous la multitude des