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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/159

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je mourrais, ou se venger des gens de Mexico, leurs ennemis mortels. Le jour suivant, 28 décembre, jour des Innocents, je partis avec toute ma troupe en bon ordre et nous fûmes camper à six lieues de Tlascala dans un village appelé Tesmeluca, de la province de Guajocingo, dont les habitants nous ont toujours été aussi fidèles que les Tlascaltecs ; c’est là que nous passâmes la nuit.

Dans ma précédente relation, Seigneur Très Catholique, je disais que les Indiens de Mexico amassaient des munitions de guerre, organisaient leur force, construisaient des chausse-trapes et des retranchements, pour se préparer à me recevoir. Connaissant leurs ruses et leur audace de guerre, j’avais souvent songé par quel côté je pourrais les surprendre. Ils savaient que nous avions à choisir entre trois routes pour pénétrer sur leur territoire ; je choisis celle de Tesmeluca ; le passage y étant plus rude et plus difficile, je pensais que de ce côté nous éprouverions moins de résistance, attendu qu’ils y seraient moins sur leur garde.

Le lendemain du jour des Innocents, après avoir entendu la messe et m’être recommandé à Dieu, nous partîmes de Tesmeluca ; je pris les devants avec dix cavaliers et soixante de mes vétérans armés à la légère et nous commençâmes à gravir le sentier dans le plus grand ordre, m’éclairant le mieux possible, et nous passâmes la nuit à quatre lieues de là, dans le haut du défilé sur les confins du territoire mexicain. Il y faisait un froid intense, mais ayant beaucoup de bois à notre disposition nous passâmes une assez bonne nuit. Le jour suivant, un dimanche, nous continuâmes notre route sur le plateau de la montagne et j’envoyai en éclaireurs quatre chevaux et trois fantassins : nous commençâmes alors la descente. Je mis les cavaliers à l’avant-garde suivis des arbalétriers et des arquebusiers, puis le reste de la troupe en arrière, car tout en supposant la vigilance des ennemis en défaut, j’étais certain qu’ils viendraient me barrer la route et nous tendraient quelques embûches pour nous surprendre. Les quatre cavaliers et les fantassins de l’avant-garde trouvèrent effectivement le chemin obstrué par des arbres et des branchages, coupé et barricadé par des pins et des cyprès