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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/210

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tous les Mexicains que nous pouvions atteindre, de sorte qu’ils ne se hasardaient plus guère sur la terre ferme.

Voyant que ces malheureux se refusaient à toute transaction et qu’ils montraient une telle résolution de nous chasser ou de mourir, j’en conclus deux choses : la première, c’est que nous ne retrouverions rien ou peu de chose, des richesses que nous avions perdues ; la seconde, c’est qu’ils nous obligeraient à les détruire sans merci. Cette dernière pensée m’affligeait affreusement et je me demandais comment je pourrais leur inspirer une crainte assez grande pour qu’ils vinssent à résipiscence et comprissent tout le mal que je pouvais leur faire en brûlant et détruisant leurs temples et leurs palais. Et pour qu’ils en fussent fortement impressionnés, je fis mettre le feu, ce jour-là, aux grands palais de la place, à ceux-là mêmes où nous étions logés autrefois avant qu’on nous chassât de la ville, palais assez grands pour abriter chacun un prince, avec une suite de plus de six cents personnes. Les autres qui étaient voisins étaient un peu moins grands, mais plus élégants et plus jolis ; c’était là que Muteczuma avait réuni toutes les variétés d’oiseaux qu’il collectionnait.

Ce fut à mon grand regret que je les détruisis et cela faisait encore beaucoup plus de peine aux Mexicains et aux habitants des bords de la lagune, car pas un ne pensait que nous pussions jamais arriver jusque-là.

Il était tard et l’incendie allumé, je rappelai mes gens pour regagner nos quartiers ; en nous voyant en retraite, les Mexicains se ruèrent sur nous et sur l’arrière-garde ; mais le terrain étant propice à la cavalerie nous courûmes sur eux, en transperçant une infinité de nos lances, ce qui ne les arrêtait nullement. Ce jour-là cependant ils montrèrent quelque faiblesse, nous voyant dans leur ville, la détruisant, la saccageant ; et surtout, en apercevant leurs anciens alliés, les gens de Tezcoco, de Chalco, de Xuchimilco et les Otomies qu’ils interpellaient au passage. D’autre part, les Tlascaltecs leur montraient les corps de leurs concitoyens étalés sur la terre, se glorifiant d’en faire leur repas du soir et leur déjeuner du lendemain, c’était affreux. Nous revînmes donc nous reposer dans nos camps, car