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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/233

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affaire plus de cinq cents, tous personnes principales et de leurs meilleurs guerriers. Cette nuit-là, nos amis firent bombance, car ils enlevèrent par morceaux tous ceux que nous avions tués pour s’en régaler à loisir. Les Mexicains furent tellement épouvantés de se voir si subitement défaits qu’ils ne poussèrent pas un cri cette nuit-là, et qu’ils n’osèrent se montrer dans aucune rue, ni sur aucune maison, que là où ils étaient absolument à l’abri de nos coups.

Il était presque nuit quand nous nous retirâmes ; les Mexicains envoyèrent une douzaine d’esclaves pour observer nos mouvements, mais ils furent enveloppés par nos cavaliers qui n’en laissèrent pas échapper un seul. Notre victoire inspira une telle crainte à nos ennemis, que jamais plus, par la suite, ils n’osèrent rentrer sur la place quand nous en partions, n’y eût-il même qu’un seul cavalier, pas plus qu’ils n’osèrent suivre nos fantassins de peur qu’à leurs pieds ne surgît une autre embuscade. Cette victoire que Dieu nous donna fut bien une des principales causes de la reddition de la ville, car elle jeta le découragement parmi ses défenseurs, tandis qu’elle inspirait une nouvelle ardeur à nos alliés.

Aussi, nous rentrâmes dans nos quartiers décidés à pousser la guerre à outrance et à ne pas manquer au seul jour d’envahir la ville jusqu’à sa complète destruction. Ce jour-là, il n’y eut de nouveau chez nous qu’un accident arrivé à notre cavalerie dont deux chevaux se rencontrèrent ; l’un tomba, c’était une jument, elle s’en fut droit chez les Mexicains qui la couvrirent de flèches ; devant ce mauvais traitement elle revint à nous, mais mourut dans la nuit. Nous éprouvâmes une vraie douleur, car chevaux et juments représentaient pour nous la victoire et la vie ; néanmoins, notre peine fut moins grande que si la bête était morte entre les mains de l’ennemi. Les brigantins et les canoas de nos alliés causèrent à la ville de grands dommages ce jour-là, sans en recevoir eux-mêmes aucun mal.

Nous savions déjà que les habitants de la ville en étaient réduits aux dernières extrémités ; nous apprîmes de l’un d’eux que pendant la nuit, ils sortaient et venaient rôder aux alentours de nos quartiers ; qu’ils se mouraient de faim, qu’ils pê-