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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/245

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sans combattre et les brigantins pénétrèrent dans le petit golfe, au milieu de la flotte des canoas montées par des gens de guerre qui n’osaient même plus combattre.

Sur ces entrefaites, il plut à Dieu qu’un capitaine de brigantin nommé Garci-Holguin arrivât sur une canoa où il lui parut qu’il y avait des gens de marque ; comme il y avait à l’avant du navire deux ou trois arbalétriers qui mettaient en joue les gens de la canoa, ceux-ci firent signe de ne pas tirer, que l’empereur était là. Mes hommes sautèrent dans la canoa où ils s’emparèrent de Guatimozin, du roi de Tacuba et d’autres grands seigneurs qui les accompagnaient. Le capitaine Holguin m’amena aussitôt sur la plate-forme de la maison où je m’étais retiré et qui était près du bassin, le jeune empereur et ses autres prisonniers. Comme je le fis asseoir et lui montrai la plus grande bienveillance, il vint à moi et me dit qu’il avait fait tout ce qu’il était en son pouvoir pour se défendre lui et les siens, et, mettant la main sur mon poignard : « Tue-moi », dit-il ; je le consolai, lui disant qu’il n’avait rien à craindre.

Grâce à Dieu, l’empereur étant prisonnier, la guerre fut terminée ce jour, 13 août 1521, fête de Saint-Hippolyte, de façon que nous employâmes soixante et quinze jours au siège de cette ville, pendant lesquels Votre Majesté a pu juger des travaux, fatigues et dangers encourus par ses sujets, et pendant lesquels ils se distinguèrent en hommes que les œuvres recommandent à la postérité.

Pendant ces soixante et quinze jours, pas un seul, sans une escarmouche ou un combat. Le jour de la prise de Guatimozin et de la reddition de la ville, nous recueillîmes les dépouilles et nous retournâmes à nos quartiers, rendant grâces à Dieu pour tant de faveurs et pour la victoire signalée qu’il nous accordait.

Je restai trois jours dans mon camp, m’occupant des choses courantes ; après quoi je me rendis à Culuacan où je suis resté, pour procéder à l’organisation et à la pacification de la contrée.

Ayant fait inventaire de l’or et autres choses précieuses en présence des officiers de Notre Majesté, je fis fondre le tout,