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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/267

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et je leur donnai pour cacique le jeune frère de celui que j’avais pendu. Le pays étant fort pauvre, comme je l’ai dit ; nous n’eûmes d’autre profit, dans cette affaire, que d’assurer notre sécurité en empêchant les naturels d’inquiéter leurs voisins ; je crus même prudent d’y installer des Indiens amis d’autres provinces.

À cette époque, César Invincible, arriva au port et à la ville del Espiritu Santo dont j’ai fait mention plus haut, un tout petit navire qui venait de Cuba, ayant à bord un certain Juan Bono de Quéjo qui se trouvait comme commandant de navire dans la flotte de Panfilo de Narvaez. Selon ses dépêches, il était envoyé par don Juan de Fonséca, évêque de Burgos, qui croyait que Cristobal de Tapia, qu’il avait recommandé, était gouverneur de la Nouvelle-Espagne, et qu’il y résidait. Pour que la réception de son envoyé ne souffrît pas d’empêchement, comme il avait tout lieu de le craindre, il le fit passer par l’île de Cuba afin de s’entendre avec Diego Velazquez, qui lui donna le brigantin pour le transporter. Ce Juan Bono apportait une centaine de lettres de la même teneur signées de l’évêque Fonséca. Il y en avait aussi en blanc, pour distribuer aux personnes de la Nouvelle-Espagne à qui Juan Bono jugerait bon de les remettre, en leur disant qu’elles serviraient les intérêts de Votre Majesté en acceptant l’autorité de Tapia, leur promettant en outre mille faveurs. Il devait leur dire, qu’en continuant à m’obéir, elles allaient contre les intérêts de Votre Excellence, et autres propos destinés à provoquer le désordre. Il m’écrivait une lettre personnelle dans le même sens, me disant, qu’en reconnaissant Tapia je m’attirerais les bonnes grâces de Votre Majesté, que sinon, je pouvais le compter comme mon plus mortel ennemi.

L’arrivée de Juan Bono et les lettres qu’il apportait, causèrent une telle effervescence parmi mes gens, que si je ne les avais rassurés en leur en expliquant le but, leur disant qu’ils n’avaient rien à craindre de ces menaces, et que le plus grand service qu’ils pussent rendre à Votre Majesté, était de ne pas souffrir que l’évêque se mêlât de nos affaires, parce que son intention était de dissimuler la vérité à Votre Majesté et de lui arracher des faveurs sans qu’elle en sût le motif. J’eus donc toutes les