Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/302

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J’envoie de même à Votre Sacrée Majesté soixante mille piastres d’or prélevées sur les revenus royaux, comme Votre Altesse pourra s’en convaincre par le compte que ses officiers et moi lui envoyons. Si nous avons eu la hardiesse d’expédier, en une fois, une aussi grosse somme d’argent, c’est qu’on nous a dit que les guerres de Votre Majesté en exigeaient beaucoup et que je ne voulais pas que Votre Majesté regrettât la perte passée. De plus nous enverrons chaque fois ce que nous aurons pu amasser.

Je voudrais persuader Votre Majesté que, d’après l’enchaînement des choses et vu l’accroissement de ses royaumes et seigneuries, elle aura, dans cette contrée, des revenus plus considérables et plus sûrs qu’en aucun de ses royaumes et seigneuries d’Europe, à moins que nous n’éprouvions quelque désastre, dont jusqu’à ce jour nous n’avons pas encore souffert.

Je dis cela, parce que Gonzalo de Salazar, facteur de Votre Majesté, venant de Cuba, arriva il y a deux jours au port de San-Juan de cette Nouvelle-Espagne et me rapporta avoir entendu dire que Diego Velazquez, lieutenant amiral de l’île, s’était entendu avec Cristobal de Oli que j’ai envoyé aux Hibueras pour qu’il se révoltât en sa faveur ; la chose me parut, si basse et si contraire aux intérêts de Votre Majesté que je refusai d’y croire, quoique cela fût assez probable, vu l’inimitié de Velazquez et ce qu’il a déjà fait pour me nuire ; car lorsqu’il ne pouvait faire autre chose, il empêchait les gens de venir me rejoindre, et comme il est gouverneur de Cuba, il arrête les Espagnols qui viennent à la Nouvelle-Espagne, leur fait subir mille vexations, et après les avoir compromis, leur fait dire tout ce qu’il veut. Je m’informerai de l’affaire, et si je trouve les choses telles qu’on me les a dites, j’ai l’intention de faire arrêter Velazquez et de l’envoyer à Votre Majesté ; ce serait couper à la racine, le mal que représente cet homme, et je pourrais plus librement poursuivre les expéditions entreprises pour le service de Votre Majesté et celles que j’ai le dessein d’entreprendre.

Toutes les fois que j’écris à Votre Majesté, je lui rends compte de l’état des indiens que nous cherchons à gagner à la foi