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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/318

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s’étaient sauvés dans les bois ; cet Indien me dit qu’il ne connaissait pas le chemin d’Istapan, autre village où, selon ma carte, je devais passer, parce qu’il fallait y aller par les rivières, mais qu’il me conduirait plus ou moins du côté où il devait être.

Je fis accompagner ce guide par trente chevaux et trente fantassins, leur commandant de pénétrer jusqu’à ce village, d’où ils me renseigneraient sur la route et que je ne partirais qu’au reçu de leur lettre. Ils partirent, et après avoir attendu deux jours sans recevoir de leurs nouvelles, je fus obligé de quitter le village faute de ressources ; je partis donc, suivant leurs traces, traces difficiles à suivre au milieu des marais, car je puis assurer Votre Majesté que sur les plus hautes collines les chevaux, sans être montés, enfonçaient jusqu’à la sangle. Je cheminai deux jours de cette manière.

J’étais sans nouvelle de mes gens et dans une grande inquiétude, ne sachant que faire ; retourner sur mes pas était impossible et je ne pouvais pousser en avant sans savoir où j’allais. Mais Dieu m’a toujours secouru dans mes plus grandes épreuves : je me trouvai camper au milieu d’un champ, entouré de mes gens, dont les plus vaillants avaient perdu courage, avec la perspective de périr sans ressource, quand arrivèrent deux Indiens du village d’Istapan avec une lettre de mes Espagnols, me disant qu’ils étaient arrivés à Istapan et que lorsqu’ils y arrivèrent, les Indiens avaient fait passer toutes leurs femmes et tout leur bien de l’autre côté d’une grande rivière qui longeait le village ; il n’y était resté que quelques hommes, croyant que mes gens ne pourraient y pénétrer à cause d’un grand marais qui lui servait de défense ; mais que, lorsqu’ils rirent les Espagnols se jeter à la nage en tenant les chevaux par l’arçon, ils commencèrent à mettre le feu au village : nos hommes avançaient avec une telle hâte qu’ils ne leur donnèrent pas le temps de tout incendier. Tous ceux qui restaient s’étaient alors jetés dans le fleuve qu’ils passèrent, soit à la nage, soit dans leurs canoas ; dans leur précipitation, plusieurs s’étaient noyés et on avait pu s’emparer de sept ou huit d’entre eux, dont l’un semblait être un de leurs caciques, et qu’on les ferait jusqu’à mon arrivée.