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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/333

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étape fort courir, à cause de la traversée de l’estuaire ; je laissai à Apaspolon une lettre pour lui servir au cas où viendraient d’autres Espagnols, pour leur dire qu’il était de mes amis.

Il arriva en cette province un événement dont je dois donner l’explication à Votre Majesté : un Indien des notables de Mexico, appelé autrefois Mexicalcingo et aujourd’hui Cristobal, vint une nuit me trouver en cachette ; il m’apportait un manuscrit sur papier de son pays dont il me donna l’explication suivante : C’est que Guatimozin le dernier empereur de Mexico, que j’avais toujours tenu prisonnier par crainte de son caractère inquiet, et que, par précaution, j’avais emmené de Mexico avec tous les autres seigneurs ses anciens sujets, ce Guatimozin, anciennement aussi roi de Tezcoco, Tetepanquencal, roi de Tacuba, Tacitecle, roi de Tlaltelolco, s’étaient plaint, plusieurs fois à lui Cristobal, disant qu’ils avaient été dépossédés de leurs terres et seigneuries, qu’ils étaient maintenant les esclaves des Espagnols, et qu’il leur fallait chercher un moyen qui leur rendit leur liberté, leurs terres et leurs biens ; or, après en avoir conféré bien des fois, pendant cette longue route, ils n’avaient pas trouvé de meilleur moyen que de me tuer, moi et les gens qui m’accompagnaient. Cela fait, ils devaient en appeler à tous les Indiens de ce pays, pour exterminer Oli et ses compagnons ; ils enverraient alors des courriers à Mexico, pour provoquer le massacre de tous les Espagnols que j’y avais laissés, chose facile, car ce n’était que des recrues qui ne savaient rien de la guerre ; cela fait, ils iraient proclamant la guerre sainte par toute la terre et par toutes les villes, afin que les Indiens unis dans une haine commune en finissent avec les Espagnols ; qu’ensuite, ils mettraient dans chaque port de mer de fortes garnisons, de façon que les navires tombant entre leurs mains, ne pussent retourner en Espagne. Ils seraient alors seigneurs et rois comme ils l’étaient auparavant ; et ils comptaient si bien sur le succès, qu’ils s’étaient déjà partagé les seigneuries et qu’ils avaient fait de Cristobal le cacique d’une province. Je rendis grâce à Dieu de la découverte de cette conspiration ; le matin même je fis arrêter et mettre au secret tous les coupables, après quoi je les interrogeai séparément, leur disant que un