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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/342

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bien moi : il n’avait, lui dis-je, pour s’en assurer qu’à demander à mon interprète Marina, qui ne m’a jamais quitté depuis le jour où elle me fut donnée avec une vingtaine de femmes par le cacique de Tabasco. Marina s’adressant au Canek, lui confirma ce que je venais de dire, lui raconta comment j’avais fait la conquête de Mexico et de tant d’autres royaumes que j’avais soumis au joug de Votre Majesté. Il parut se réjouir beaucoup de ces nouvelles et me déclara qu’il désirait être vassal de Votre Majesté ; heureux d’être, ajoutait-il, le sujet d’un si grand prince. Il fit apporter du miel, un peu d’or et des colliers de coquillages rouges d’une grande valeur à leurs yeux, qu’il me donna ; je lui fis remettre en échange de nos bagatelles d’Espagne qui l’enchantèrent. Je le fis dîner avec moi, ce qu’il accepta, avec plaisir et après dîner, je lui racontai que j’allais à la recherche de certains Espagnols que j’avais envoyés à la côte de la mer et dont depuis longtemps je n’avais pas de nouvelles ; il me répondit qu’il avait beaucoup entendu parler d’eux, car il avait de ses sujets tout près de l’endroit où ces Espagnols habitaient et qui s’occupaient de ses plantations de cacao qui est la richesse du pays ; et que, soit par ces Indiens, soit par les marchands qui chaque jour allaient et venaient de Tayasal à la côte, il en avait fréquemment des nouvelles et qu’il me donnerait un guide pour me conduire près d’eux ; mais il m’avertissait que le chemin était fort mauvais, traversant de hautes montagnes et qu’il me serait beaucoup plus facile d’y aller par mer.

Je lui répondis que traînant tant de monde avec moi, tant de chevaux et de bagages, les vaisseaux n’auraient pu suffire et que j’avais dû prendre la voie de terre. Je le priai de nous laisser passer à travers la lagune, mais il me répondit qu’elle se terminait à trois lieues de là et qu’on n’avait qu’à en suivre le bord ; mais il insistait pour que j’allasse avec lui dans ses canoas visiter son village et sa demeure, assister à la destruction de ses idoles et lui faire construire une croix. J’y allai pour lui faire plaisir et contre l’avis de mes gens ; je m’embarquai avec une vingtaine d’hommes et passai la journée à Tayasal. Je repartis le soir avec le guide que m’avait donné le Canek pour