Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/355

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Seigneur, qui seul peut nous secourir et qui tant de fois a protégé de son égide l’instrument et le serviteur de Votre Majesté, nous envoya un navire qui venait des îles, sans soupçonner qu’il me trouverait dans ce malheureux village ; il amenait trente hommes sans compter son équipage, treize chevaux, soixante et tant de porcs, douze boucauts de viandes salées et trente charges de pain des îles. Nous rendîmes tous grâces a Dieu. J’achetai le navire et son chargement qui me coûta quatre mille piastres. J’avais déjà fait réparer une caravelle que les Espagnols de Nito considéraient comme perdue et je faisais construire un brigantin avec les débris d’autres navires. Quand le vaisseau des îles arriva, la caravelle était prête ; mais je ne sais, si nous eussions pu achever le brigantin sans l’aide des nouveaux venus parmi lesquels se trouvait un homme qui, sans être charpentier de son état, était des plus ingénieux. En allant à la découverte de côté et d’autre, nous tombâmes au milieu des montagnes les plus sauvages, sur un sentier qui conduisait à huit lieues de là à certain village appelé Leguela où nous trouvâmes force vivres ; mais le village était si loin et les chemins si détestables que nous ne pûmes en profiter.

J’appris des Indiens qu’on avait pris à Leguela, que Naco est un village où séjournèrent Francisco de Las Casas, Cristobal de Oli et Gil Gonzalez de Avila ; c’est là que mourut Cristobal de Oli, comme plus loin j’en dirai les détails qui me furent donnés par les Espagnols de Nito.

Je fis aussitôt ouvrir une route du côté de Naco où j’envoyai toute ma troupe, cavaliers et fantassins ; je ne gardai près de moi que les malades, mes serviteurs et quelques personnes qui demandèrent à rester pour s’embarquer avec moi. Je recommandai au capitaine de faire tous ses efforts pour pacifier cette province qui avait toujours été fort troublée depuis le séjour qu’y avaient fait les capitaines. Je lui donnai l’ordre d’envoyer aussitôt après son arrivée dix ou douze chevaux et autant d’arbalétriers à la baie de Saint-André qui est à vingt lieues du village. Je comptais en effet m’embarquer avec les malades et les gens de ma suite sur les navires que j’avais, et me rendre